lundi 29 octobre 2012

Maryse Dhainaut, licenciée après avoir dénoncé un dysfonctionnement dans un centre pour ado en difficulté, et toc !

Les aléas de dénoncer des actes de maltraitance 
envers des enfants parfois : couic, out le trublion !


 

 Soit un centre d'éducation pour enfants en "difficulté" (lisez, parfois un brin délinquants) sis comme il est d'usage assez loin de leur lieu d'"exercice" (Paris), ici en Lorraine. Et une jeune directrice nouvellement nommée qui a un peu secoué le cocotier. Ne faisant au fond que pointer ce que l'on nomme impudiquement des "dysfonctionnements" [rien moins que mauvaise qualité et insuffisance de la nourriture, coups, etc..] déjà observés autrefois par un rapport de la DDASS qui apparemment a fait plouf, ça continue comme avant, l'agrément a été maintenu après toutefois une exigence d'amélioration comme il se doit.. dont on peut ou pas tenir compte, l'essentiel est qu'il n'y ait pas de bruit. Dickens pas mort. Les riches eux vont dans d'autre "centres" nommés Lycées privés de la Forêt, du Lac etc... où parfois ce n'est pas mieux sauf pour la bouffe, mais c'est beaucoup plus cher (lien avec le cas d'Agnès). 


Vous observez qu'il s'agit pour les licencieurs d' "incidents" (avérés). Incidents?! Des coups? Une nourriture insuffisante? Et que selon eux "ça s'est amélioré", c'est simple, "il y en a de moins en moins" dit savoureusement un certain Christophe Jean... ce qui signifie qu'il y en a TOUJOURS, c'est juste comme la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide. Et des coups, même moins "fréquents", ce sont toujours des coups pour celui qui les reçoit. Ce ne sont pas des incidents mais de la maltraitance. Résultat : virée la trublionne qui n'a pas été satisfaite de toutes ces améliorations (on peut ici se demander comment était-ce AVANT ces progrès!) trublionne qui  a violé l'omerta. Elle est défendue par Ralph Blindauer.

Une histoire qui me touche particulièrement à cause de ceci (lien). Proviseur ou faisant fonction d'un LEP, j'ai failli moi aussi me faire virer (en fait, peut-être pas virer mais disons que je me suis bien faite ramasser, et hard! par mes propres collègues) pour avoir investigué sur un cas d'agression sexuelle d'une élève débile légère (j'étais seule lorsque cela s'est passé) au lieu de la renvoyer à ses serpillières et balais avec un bonbon comme je l'eusse dû, [elle ne se serait pas plainte davantage et d'ailleurs avait atterri dans mon bureau terrorisée, ayant peur de se faire admonester, entraînée et soutenue par deux copines].. je me suis faite ramasser donc ensuite par des collègues qui avaient peur devant le scandale de voir leur note administrative baissée, que le bahut soit pointé du doigt, conforté dans son image déplorable (méritée) et ses dysfonctionnements catastrophiques révélés dans toutes leurs conséquences possibles (pas de pions même entre midi et deux heures où il n'y a pas de cours, donc pas d'adultes pour surveiller un campus immense par endroit désert où n'importe qui pouvait entrer et sortir sans contrôle). La gamine avait suivi un gus qui lui avait demandé de lui indiquer la salle de dessin indus, complètement isolée au dernier étage etc.. Chance : grâce au trombinoscope elle l'a reconnu en 10 mn, c'était un TUC donc un "extérieur", relativement, ouf.

Moi aussi comme Maryse Dhainaut ai été accusée de m'être emballée, d'avoir déclenché une lourde "procédure" sans objet (enfin, peut-être sans objet!!) avant une réunion qui s'imposait.. et au cours de laquelle à tout coups on aurait décidé qu'il était urgent d'attendre. Une excitée en somme venue de Paris, une emmerdeuse qui avait fait courir un risque.. au bahut, qui avait osé croire ou entendre longuement la parole d'une élève un peu "short" sans "vérification" (mais justement, c'était pour vérifier, et elle était parfaitement crédible car ces enfants ne mentent pas ou s'ils essaient, leur maladresse est telle que l'on s'en aperçoit immédiatement.) Chance oui, parce que la gamine, plus solide qu'on ne pouvait croire, (je l'avais bien briefée "ce n'est pas toi qui es responsable mais lui, tu as eu raison de parler, comme ça il ne le fera plus" etc).. elle ne céda pas malgré les pressions a minima exercées sur elle le lendemain, ("tu es sûre?".. "tu ne l'avais pas fréquenté avant?".. "Il te plaisait bien, non?") ni sa mère, et surtout parce que l'incriminé avoua immédiatement.. Dans le cas inverse, je n'ose imaginer ce qui serait advenu. Rigolo : il me fut reproché par exemple une "ingérence" dans la vie intime de l'élève, (je lui avais demandé la date de ses dernières règles, pas de bol, c'était 15 jours avant) c'est évidemment la première chose à laquelle on pense.

vendredi 26 octobre 2012

A propos d'Alma, la tueuse guatémaltèque dont la vidéo fait le buzz. Bourreaux et victimes, un couple fusionnel


 
 Malsain, les lamentations d’une tueuse.. qui le plus souvent semble surtout se plaindre sur elle-même. En faire une icône peut aussi susciter des émules! Il reste que le documentaire a le mérite d’examiner les relations spéciales et effarantes entre bourreaux et victimes en période de guerre, dans les groupes (même militants), l’un devenant l’autre (parfois c’est le syndrome de Stockholm) où le bourreau exige une participation de ses victimes (ici pour Alma, volontaire donc elle n'est pas une "vraie" victime au départ), comme un gage, une sorte de bizutage pour l’admettre dans le clan... ou simplement, dans le cas des victimes involontaires, pour lui laisser la vie sauve sous conditions (argent, dénonciation de copains etc..) 

Par exemple dans les groupes de combattants kurdes ou dans les commandos spéciaux de l’armée turque, on a des personnages "démobilisés" qui ressemblent à Alma. Un univers totalitaire des deux côtés dont personne ne sort indemne. Lien avec le "cas léna".

Car dans ces groupes militants (guérillero) que je ne citerai pas, ou dans d’autres opposés, il y a de la même façon obligation pour les "nouveaux" de regarder (au départ seulement regarder) des scènes de tortures et d’exécution... puis, petit à petit, cela devient de plus en plus "actif", on demande une aide, au départ simplement matérielle (amener les victimes, les "préparer", nettoyer les dégâts) et enfin de tuer eux-mêmes, toujours sur la base qu’il s’agit d’ "ennemis" ; ainsi les bourreaux (les officiels, militants, soldats, ceux qui tiennent à une image d'eux-mêmes assez propre voire romanesque) s’assurent-ils de ne pas être dénoncés (les "bleus" sont "mouillés"), c'est aussi efficace que la terreur de représailles. 

Le cercle est bouclé: les pseudos victimes (les impétrants ou les bleus souvent involontaires) sont devenues bourreaux, parfois plus hard encore que leurs recruteurs-modèles. Elles se tairont. Un autre "truc" consiste à recruter contre leurs "frères" des "soldats" qui vont jouer le rôle de kapo-bourreaux, des kurdes contre les maquis indépendentistes par exemple ou des femmes lorsqu'il s'agit de violer d'autres femmes.

Mais il ne faut pas mettre au même plan les pseudos victimes que sont des gens comme Alma qui savait à peu près où elle allait, et les victimes réelles .. même s’il peut arriver aussi que celles-ci elles mêmes puissent finir par devenir également bourreaux (par exemple dans le cas des enfants kidnappés par des pédophiles qui ensuite, bien plus tard, une fois adultes, deviennent recruteurs ou eux-mêmes pédophiles. Il reste qu’Alma a "choisi", du moins à demi (son enfance est une explication mais non une justification) : pas les racketés-torturés-ou paysans assassinés. 
 
La présenter avec une telle empathie est malvenu car il est probable qu’elle n’a dû sa survie, fût-elle infirme, qu’à une habileté remarquable.. et manipulatrice (tendance que l’on retrouve par exemple chez le héros de "Noces kurdes" (lien avec des extraits du livre) capable d’être tour à tour serviable, aimable, généreux, disert et bouleversant, tirant des larmes au plus endurci... et en même temps -ou parfois seulement- de calculer ses didascalies pour exploiter au mieux son public).. oui, il est probable qu’elle ne dit pas tout, mettant sa "mama" dans la sauce juste après une confession particulièrement atroce pour la faire passer; et la présenter en héroïne est quasi insultant pour ses victimes et dramatique pour la société. Elle est peut-être sincère malgré tout par moments... sur fond de cynisme masqué ou affiché juste ce qu’il faut pour tenir son auditoire en haleine au mieux de ses intérêts. 

On a de tels personnages parmi les "démobilisés" ayant connu la drogue (dans ces groupes militaires et militarisés, elle est la règle avant les combats) et d'abominables "faits d’armes", attachants voire fascinants ET sordides la fois dont il faut toujours se défier : après "ça" pensent-ils confusément, et en un sens c'est vrai, rien, aucun geste le plus horrible ou abject qui soit ne leur semble exclu, ne leur paraît très grave, un mélange d'innocence et de machiavélisme (cf Noces kurdes, une expérience tragique et angoissante  -lien-) 

dimanche 14 octobre 2012

Le cerveau des mâles fait de l'auto allumage

  (lien)



 Éloge de la grossièreté
Les hommes semblent pécher par défaut d’adaptation ou de souplesse devant des situations inattendues, mais d’eux seuls. Psycho-rigides, archétypiques, avec les femmes ils persistent dans des comportements qui peut-être autrefois ou en d’autres circonstances furent adaptés (?) sans s’apercevoir de leur grotesque, et du malaise ou de l’exaspération qu’ils suscitent. De l’auto allumage : contact coupé, la voiture continue sa route fonçant vers le ravin. Machisme? Pas tout à fait, un machisme par défaut, en pochoir, de posture et non de fond qui se dit féminisme. Et les femmes, refusant de se positionner haut et sec, attitude peu féminine et inconvenante, les confortant dans leurs dérives, sont aussi responsables : même s’il éprouve pour elle admiration ou amour, un mâle agit souvent vis-à-vis d’une femme comme s’il était un cadeau, quel que soit le décalage en sa défaveur de leurs situations.. que, sans souci de cohérence, il peut pourtant souligner –parfois c’est l’évidence. Trois cas, le premier, désopilant.
Un homme sans surface intellectuelle ni allure ne se gênera pas pour expliquer à une agrégée de philo plus jeune -et courtisée, qu’il estime fort dit-il- ce qu’elle doit penser, la coupant net si elle révoque poliment ses assertions.. puis, sans mesurer son saisissement, lui avouera tout de go.. un amour aussi stupéfiant que déplacé [marié, il a 25 ans de plus] et en même temps qu’il n’est pourtant pas question (sic) qu’il quitte sa femme, il se doit de l’en prévenir «honnêtement» (!!) Un autre, bien qu’il prétende lui aussi l’admirer poussera l’aplomb jusqu’à lui exposer Platon qu’il n’a pas lu [elle, si] ou brocarder une position [la sienne] sur un sujet dont elle est spécialiste, certes il l’ignore [elle n’en a jamais fait mention], mais lorsque exaspérée, elle l’en informe, persistera et signera comme si de rien n’était: tout se passe comme si de manière adhérente, il ne pouvait littéralement voir en elle qu’une étudiante obtuse à instruire, alors que par ailleurs il salue, requiert et sait fort bien faire profit de ses compétences.. qu’il dénie. Un autre, désireux de la revoir, une fois en place, fera mine que ce soit elle qui l’ait sollicité pour exiger quelque prestation imprévue. Cette incohérence crispante et touchante! on ne doit pas la supporter : elle est subtilement mortifère. Il faut désapprendre les conventions et savoir si nécessaire dire «ta gueule vieux con».. et ça va mieux.

lundi 1 octobre 2012

Racisme, à Besançon, contre... "les rouges du Midi".. Politiquement incorrect.

Cet article est doublé ici (lien) car il correspond en fait à l'origine ou à une des origines du blog (lien) sur le génocide des roms. Il s'agit du racisme subi trois mois seulement par une jeune fille "bien sous tout rapport" selon la loi pérenne inscrite dans les cieux de la sottise humaine. Il faut seulement pour eux élever cette histoire à la puissance "n". Cette jeune fille, c'était moi.


"Les rouges et les noirs" ou naissance d'une délinquante



Un établissement public, le Lycée Pasteur, où je fus scolarisée en 6ième, à 10 ans soit un an de moins que la plupart [ce qui en cas de bagarre n'arrange rien.] Où la première question que l'on posait aux nouvelles -sans agressivité au départ- était "es-tu catholique; juive?" et en cas de réponse négative "alors protestante?" -Parfois pas dans cet ordre-. Force me fut d'avouer que je n'étais rien de tout ça. Mauvais. Car en principe, à la suite du QCM, venait "Communiste?" Pas davantage mais ça compliquait et finalement "rouge" et "fille de rouge du Midi" fut la funeste étiquette qui me fut accolée. Un accent que "l'o' n'comprend" pas, le pire étant qu'au début moi non plus ne les comprenais pas et parfois cela valait mieux. Ainsi les gens du midi étaient-ils "sal'fê'nâtbêtroug c'stignar'k'ôlêêcprâ" ce qui décodé signifie "sales, fainéants, rouges, bêtes, communistes et on ne les comprend pas".

Un bahut public mais où régnait en maître le curé qui, tel un prof privilégié, avait "sa" propre salle pour le "caté", avec une chapelle où les filles allaient prier avant les compo. Avec un cierge parfois. Lock out au moment des communions quand par ailleurs les absences étaient contrôlées sans indulgence, si on n'était pas concernées tant pis. Où les débats alors tournaient tous autour de la robe, les riches optant pour l'aube plus chic, les autres ressortant des fanfreluches usées. 


Un harcèlement donc, des "moqueries" ou plutôt sarcasmes et cruautés assez peu variés mais constants; jamais les porfs (je laisse) toutes du cru en 6ième -pas le top- ne me défendirent, au contraire, l'une renchérissait en me reprochant ma "vanité" (c'm'tl'gens'd'm'dihaha) et celle de lettres exigeait que je "parle enfin comme tout le monde (!)" ce qui donnait: "m'zlrvév' d'vâpr'dr'vsex prim'cmtôlmôd s'q'vs' rêrt'jz' rer'c'tiô" ou en français "Mademoiselle Larrivé, vous devez apprendre à vous exprimer comme tout le monde sans quoi vous aurez toujours zéro". Je perdis donc à demi mon accent pour en emprunter, c'est le mot, un autre plus discutable qui parfois ressurgit encore en cas de colère. [Question: Bérénice ou Titus qui s'exprimaient en latin ou en grec le parlaient-ils avec l'accent franc-comtois plutôt qu'avec celui du Midi lent et articulé?!] Lorsqu'on nous demanda ce que l'on voulait "faire" plus tard et que je répondis naïvement "écrire des livres" son rire fut suivi de bon cœur par l'ensemble,"une q' savait mêm' p'parler cr'ect'mêênt. N' ôr'tout vu." C'est alors que furent rajoutées à la liste de mes tares l'arrogance et la vantardise bien connues des "miens".

 A la cantine, j'étais censée manger "mal", qu'est-ce à dire, les coudes sur la table ? Ou les mains mal positionnées? Je ne me souviens plus, mal en tout cas. La chef de table veillait, toujours derrière moi. D'autre part, comme j'étais vouée à l'enfer, cela n'avait guère d'importance. Dans les rangs, "on" s'ingéniait à imiter l'accent que je n'avais presque plus et les rires fusaient dès que j'arrivais. Toutes n'étaient pas au diapason certes mais aucune n'osait s'opposer aux réalisatrices-actrices de la pièce, souvent des anciennes. Pénétrer au lycée le matin me nouait l'estomac. Ma seule "amie", Agnès, était juive -encore m'évitait-elle lorsque ça allait trop mal-. Je n'en parlai jamais à mes parents ni à quiconque, j'avais honte. Honte pour eux aussi, toujours mis dans la charrette des charges. ("Fille de rouge.")

Jusqu'au jour J où je ne m'explique toujours pas ce qui s'est passé. Ce ne fut pas pire que les autres fois pourtant. On était en rang dans la cour -pavée!- on attendait la cloche et les pions pour entrer. Dans une autre file -des quatrièmes, 14 ans !- une fille me jeta une insulte habituelle, je ne me rappelle même plus laquelle, imitant grotesquement comme d'hab l'accent du midi, genre "tu t'es lavée aujourd'hui exceptionnellement" sans doute, rien de sûr, ou encore "ton pap' a encore chié un article hier?" impossible de me souvenir, la suite ayant tout occulté de ce détail. 

Ce fut le signal de la mise à feu. Avec le recul, j'ai l'impression d'être littéralement sortie de mon corps, j'ai bondi comme un fauve à l'attaque, l'ai envoyée à terre d'un seul coup et du même mouvement frappée de toutes mes forces à coups de pieds au visage, aux côtes puis me suis rabattue sur le dos et le postérieur -elle s'était mise en boule- sans la laisser se relever. Ce fut si soudain et imprévisible que personne n'intervint, tous devaient être tétanisés. Des hurlements cependant et enfin deux pions me ceinturèrent, il en fallut deux et me conduisirent manu militari dans le bureau de la proviseure. J'étais calmée, aussi stupéfaite que tous de cette "autre" qui venait de surgir de moi.. et en un éclair terrasser un tel monument.

La Proviseure! Un bureau de ministre, une belle femme glacée aux cheveux blancs avant que ce ne fût à la mode qui par chance s'appelait Dreyfus. "Expliquez-vous mais je vous préviens, n'ayez aucune indulgence à espérer". Et je m'expliquai. Calme, enfin libérée de ce que je subissais sans riposter ni rien en dire, tout y passa y compris les profs, certaines pionnes, la cantine où je ne pouvais rien avaler.. Pendant ce temps, sans même daigner me regarder, elle feuilletait mon livret.. Puis elle leva les yeux, son mépris devenu perplexité. Et lorsque ma victime entra, le fin visage lisse marqua une certaine émotion ; sans rire, à nouveau penchée sur le livret, elle s'enquit "êtes-vous bonne en gym?" Non, pas du tout. A nouveau, un regard vers la fille puis vers moi, un sourcil levé et un quart de sourire tout de même tant l'image était cocasse de ces deux gamines dont l'une était déjà une femme corpulente et l'autre une enfant. 


Et elle la questionna. Celle-ci eut l'honnêteté -ou la naïveté- de reconnaitre les faits -elle ne pensait pas avoir péché puisque tout le monde agissait ainsi- et même en rajouta que j'avais omis, un tel humour ne pouvant sans doute que lui attirer la sympathie de la proviseure*. Un imperceptible froncement de sourcils agacé, elle la coupa sèchement et nous fûmes congédiées. Au fond, l'enquête avait été rapide, nos versions concordaient.
Le verdict tomba le lendemain après une longue entrevue avec mes parents, j'étais renvoyée 3 jours (quelle joie!), rayée du tableau d'honneur (!) ma réintégration étant conditionnée à l'excellence de résultats qui en ce trimestre n'étaient pas ceux attendus. OK, si ce n'était que cela.. Je devais aussi reconnaitre ma faute ce que je fis volontiers car c'en était une et de taille.

J'étais le héros du jour. Toutes les filles assurèrent avoir été écœurées par ce qui m'était infligé. Écœurées, mais en silence. Elles avaient eu peur de se défausser de l'ensemble qui en fait n'était peut-être pas consensuel -mais tonitruant- et de subir en rétorsion le même sort. Une vocation de chef de gang était née mais nous quittâmes Besançon peu après (lien). Ma victime fut amère devant l'injustice subie et en un sens elle n'avait pas tort, elle avait payé pour tous, je l'avais amochée sans aucune réelle sanction au contraire, ayant probablement "bénéficié" de la situation, d'un "casier" vierge, de la comique image de David et Goliath que nous offrions et du fait que j'avais le profil d'un futur poulain de prépa. Qui sait si je ne ferai pas un jour honneur au bahut? La proviseure était-elle lectrice de mon -beau mec- de père? Ou seulement juste, on ne s'appelle pas Dreyfus comme Dupont?

Et les deux profs qui elles aussi et plus que les élèves étaient responsables et que j'avais pointées? Idem, elles suivirent le mouvement sans broncher et, accent ou pas accent, j'eus par la suite de bonnes notes même en français-latin et histoire, ce fut sans chichis, je passai à 19 et 16 la même semaine (!) Politiquement incorrect, vous dis-je. Quant à la cantine, que je tinsse ma fourchette de la main droite ou gauche n'avait plus la moindre importance. J'eusse craché par terre, personne n'eût relevé.

50 ans après je n'ai rien oublié. Depuis ce temps, je sais qu'il est facile de devenir délinquant et qu'au bout du racisme, il n'y a parfois que les poings comme arguments.. et surtout que l'on peut facilement tuer, n'importe qui le peut même une enfant d'instit bien sous tout rapport. Si on ne me l'avait pas arrachée, l'aurais-je fait, du moins si j'en avais eu la force -et, mystère, je l'avais-? Le fait est que cette tueuse surgie de moi visait avec une sorte de joie sauvage d'animal déchaîné, d'instinct là où un coup peut occire, tête, plexus solaire, nuque -après l'improbable avantage de l'effet de surprise, voulais-je la mettre définitivement "out" avant qu'elle ne se relève? Non, je ne "pensais" plus, c'était mon corps qui pensait à ma place-. Un état d'amok? Sans doute. Le racisme, c'est cela. 

*Les agresseurs racistes n'ayant en principe aucune conscience de ce qu'ils ont fait manifestent souvent une parfaite sérénité devant Dieu -ici le Proviseur- et les hommes sans songer à nier, plutôt fiers de leurs actes de bravoure contre de "beaucoup plus forts" même s'il s'agit de femmes et d'enfants [cf les riverains qui ont attaqué des familles roms à Marseille (lien) paradant devant les caméras de télé.] Une observation : que se serait-il passé si Dreyfus avait ri ou renchéri aux insultes benoîtement avouées par ma "victime", ces bonnes blagues qu'musaient t'l'mônd'? Sans doute en effet toutes les conditions eussent-elles alors été réunies pour que je devinsse vraiment délinquante. Voire tueuse. Et cela, c'est ce que subissent les roms depuis toujours (lien). 

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Hypothèse: Besançon, et la Franche-comté 
carrefour acculturé de deux mondes

La haine qui couvait en adhérence ici contre les basanés, les gens du sud, les métèques et les athées ne provenait-elle pas de l'identité historique incertaine des bisontins rattachés à l'empire espagnol de Charles-Quint, puis à l'empire germanique de son successeur et tardivement à la France.. comme si en cette ville-pierre angulaire de deux empires, deux cultures l'Espagne toute puissante et la Germanie combattaient encore en archétypes? Le désir obsessionnel -et hostile- devant tout nouveau venu [dans une cité qui pourtant ne connut pas de guerres de religion] de le situer dans un camp ou dans un autre, catholique ou protestant, du Sud ou Germain serait-il relié au passé? Accent, patois, la "culture" franc-comtoise affichait obstinément avec fierté des valeurs controuvées -voire démenties par la réalité- dites "germaniques" [travail, fiabilité, courage, sérieux, hygiène, ponctualité, self-contrôle, modération, foi, discrétion, ordre, obéissance, délicatesse, intellectualité, esthétique*] opposées à tous les péchés du sud en clichés [nonchalance ou paresse, défaut de parole, pleutrerie, superficialité, saleté, procrastination et versatilité, comédies, laisser-aller verbal, apostasie ou hérésie, hâblerie, désordre, libertarisme, vulgarité, ignorance brute, inesthétisme] formant ici la superstructure cocasse et mortifère dont je fis les frais. Un indice, dans ce lycée -fait rare- la première langue était celle de Goethe -même pour des médiocres- et quiconque optait pour l'anglais était un out sider mis à l'index.  
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* En italique, celles qui d'après mon expérience relativement brève et perso me sont apparues non seulement controuvées mais inversées, la première étant l'hygiène, semblait-il alors assez sommaire, du moins dans le HLM où vous vivions, au lycée et à l'école où ma mère enseignait. Le froid peut l'expliquer -les enfants, selon les mamans qui le soulignaient avec une naïve fierté "prenaient bien leur douche tous les samedi".. de même que c'était ce jour-là que leur linge de corps (culotte, sous-pull) était changé.- C'était en 58. Par la suite, à Marseille, ce n'était pas seulement le linge qui était changé tous les soirs et la douche qui suivait -comme nous pratiquions en Cévennes- mais le plus souvent toute la maison, sols, cuisines quotidiennement lessivés à fond -ce que nous ne faisions pas-. Je ne sentis jamais d'odeur désagréable dans les couloirs des immeubles, ce n'était pas le cas à Besançon.
Autre valeur controuvée, l'esthétique. Reliée à la possible déficience hygiénique? Peut-être, mais l'obésité, déjà, chez les enfants, mal cachée par des vêtements parfois inadéquats, ainsi que l'état dentaire et des cheveux assez médiocre marquaient souvent tristement allure et visage. 
Quant à la "discrétion", au self-contrôle et à la "culture", toute l'histoire montre que, en ce cas du moins, ces valeurs étaient comiquement démenties par les accusations elles-mêmes, à la manière de César (Pagnol) qui, lorsque Escartefigues lui reproche ses colères, éclate en une célèbre tirade, furieux, scandalisé par une telle "contre-vérité" (!) "Co-lé-ri-que, MOI?"