mardi 5 avril 2011

Famille, je vous "haime", du cas Dylan à celui de la famille de Villiers...

Enfant martyrs, ça s'est passé près de chez vous... pendant que vous conférenciez sur la maltraitance... Ou "familles, je vous hais"





Le tribunal de Millaud juge l'affaire Dylan, un enfant maltraité-bouclé durant des années dans une pièce-prison, dont personne, lors des rares fois où il était autorisé à sortir dans le minuscule jardin, n'avait remarqué la détresse, un grand classique. A peu près bien tenu, du moins pour l'occasion -on ne pinaille pas pour quelques accrocs-, pas marqué physiquement, du moins de manière visible, juste un peu maigre mais cela se voit tout le temps sans qu'il soit question de privations, aimable, poli, peut-être un peu renfermé -et expansif à la fois-. Normal en quelque sorte. RAS. Non. Ce n'était pas normal.

Il n'a jamais parlé. Soulignons ici que la plupart des enfants maltraités ne disent rien, JAMAIS -ou alors très longtemps après- : parce qu'ils ont honte, parce qu'ils se sentent responsables -les parents, leur enseigne-t-on, ne sauraient jamais faillir- parce qu'ils redoutent d'empirer leur situation si on les trahissait*, ne pouvant concevoir qu'on puisse les aider contre ces démiurges tout puissants que sont leurs bourreaux, -généralement indétectés ou indétectables-, et surtout parce que ceux-ci ont fini par leur inculquer une peur panique du monde extérieur contre lequel ils se posent en seul rempart. Isolés-verrouillés, ces enfants, sous des apparences aimables souvent, se méfient en réalité de tout et de tous, surtout de qui peut les sortir du gouffre... courtisant au contraire ceux qui leur mettent la tête sous l'eau, -à l'image de leurs parents-. Il faut savoir décrypter des signes parfois contradictoires et déroutants : une empathie quasi histrionique -et oubliée l'instant d'après-, une joie de vivre trop expansive et versatile, une sur activité -suivie de prostration-, parfois un peu de mythomanie naïve, une quête éperdue d'amour -y compris trop sexualisée- ou au contraire un repli sur soi qui confine dans certains cas à de l'arrogance ou de l'antipathie franche (le "dur")... le tout associé bien souvent. Les masques sont multiples mais l'isolement reste un élément essentiel.


Le cas de Dylan est particulièrement significatif et douloureux : à la même époque, alors même qu'il croupissait dans sa geôle, la mairie d'une ville toute proche m'avait invitée à venir parler de la violence  intra familiale -suite à un essai sur le sujet-. Ce fut un franc succès : conférence, participation, ambiance géniale, articles etc... le genre d'événement dont on ressort faraud avec l'impression d'avoir apporté sa pierre pour que changent  les choses : voilà, Dylan était à cinq minutes de la salle où nous dissertions, croupissant dans ses déjections. Une baffe dans la figure, et une belle. HL
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Une famille de roman édifiant

La vie est un long fleuve tranquille

*La victime ne parle que lorsqu'elle juge s'en être "sortie", de quelque manière que ce soit [mais c'est un cercle vicieux car pour s'en sortir, il faut parler] : compagne/on, enfants, aide extérieure, professeur, thérapeute, réussite professionnelle -même minime- etc... c'est à dire lorsqu'elle se sent -relativement- en sécurité, hors d'atteinte, lorsqu'elle pense pouvoir résister sans en être définitivement rompue à la bataille qui va s'ensuivre -et nous allons voir combien elle peut être rude-. C'est un cercle vicieux : pour qu'elle lève l'omerta, il faut qu'elle se sente en sécurité.. chose impossible en raison justement de l'omerta. -Mais il est des miracles-.

Cela explique la rareté des dénonciations. Et la loi qui refuse de punir au bout de quelques années de silence de la victime -comptées après sa majorité- est singulièrement inadaptée. Pas vu ou plutôt pas dénoncé = pas pris, en quelque sorte. Mais comment un enfant, même devenu adulte -mais abîmé- peut-il se battre à armes égales contre un clan, un patriarche qui fait peur -s'il a pu agir impunément, parfois durant des années, c'en est bien le signe-? Qui ne dit mot consent ? Non. C'est ce précepte auquel ici il faut faire justice. Une prime à la manipulation, à la violence, à la peur inculquée. Plus la victime sera faible, plus le bourreau terrorisera le groupe, plus il aura des chances d'échapper: pourquoi se priver ?  Dans le cas d'un enfant contre un parent -et souvent un groupe solidaire comme nous allons le voir-, on est dans la situation extrême. Non, un enfant, même s'il ne "dit mot" -peut-il faire autrement?- ne consent pas. Et son corps n'est pas un "bien" accaparé -un bout de terre par exemple- dont la propriété, au bout de trente ans d'usage, est attribuée légalement par usucapion à qui s'y est installé.




Un fait-divers récent en constitue le paradigme. Dans le cas d'un enfant abusé sexuellement, la peur d'être trahi s'il parle -et le sentiment inculqué que c'est lui qui trahit- ne sont pas sans objet. Lorsqu'ils osent porter plainte, ils se trouvent alors souvent  en butte à leur famille tout entière qui fait bloc contre eux, y compris ceux qui les soutenaient plus ou moins jusqu'alors... taxés de folie, de perversité etc...  L'horreur absolue pour des victimes déjà fragilisées, trahies non pas une, mais deux, trois, dix fois...  Drame dans le drame, il arrive souvent que celui -ou celle- qui mène les troupes contre lui ne soit pas le coupable mais son second couteau -la mère- ou le chef du clan éclaboussé par l'affaire -même s'il n'est pas l'accusé-. C'est la Raison d'état : il est moins dirimant socialement d'avouer un enfant malade mental qu'un mari -frère, fils, cousin...- violeur incestueux. 

Car  le coupable, la plupart du temps le père, étant aussi celui qui fait vivre le groupe et porte son prestige haut et clair, sa mise en exergue voire en détention conduisent à la ruine sociale, économique et affective de tous. Haro donc, non sur celui par qui le scandale est arrivé mais sur celui qui l'a dénoncé. Et cette brutale mise en lumière salit tout le monde, pointant des complicités -actives ou seulement passives- même lorsque l'entourage n'a rien vu et ne pouvait rien voir : un dysfonctionnement  pour le moins, une négligence à la limite de la maltraitance, -ce qui quelquefois n'est pas le cas-... Des  ombres fâcheuses vont désormais à jamais ternir des personnages -souvent volontiers donneurs de leçons de morale-, au dessus de tout soupçon , un étron puant sur une nappe brodée.

La famille de ce politique catho-morale-tradition accusé d'avoir couvert les viols perpétrés par l'un de ses fils à l'encontre d'un autre a réagi exactement de cette manière : c'est la victime qui a été clouée au pilori. Et, bien qu'ici le père n'ait été responsable que de n'avoir pas vu (?) -banal et normal, surtout dans les familles nombreuses- c'est lui qui pourtant a taclé la victime comme s'il était l'accusé, entraînant tout le clan à sa suite. Car ces familles sont souvent des familles-meutes où le dictat du chef fait loi : en contrepartie, il ferraille d'estoc et de taille pour protéger la tribu par tous les moyens... La part du feu : comme tout leader, il va tenter de sauver le bataillon en jouant la carte de la Raison d'état (la politique!) Mieux vaut une injustice qu'un désordre en somme. La troupe suit. Ici, la seule qui a eu le courage de soutenir le plaignant avoue clairement avoir "peur" du patriarche, "comme tous" précise-t-elle. 

Le cas est intéressant puisque là, on a affaire à un professionnel, forcément mieux armé  pour la bagarre -mais la plupart réagissent de la même manière, avec juste un peu moins de brio.-

Savait ? Savait pas ? On est toujours dans le flou. Mettons que celui-ci, trop pris par ses activités, ait tout ignoré. Mais il est souvent des cas limites -le déni n'est pas un vain mot- et parfois l'omerta confine au burlesque. Ainsi cette famille dont le père, le soir, sur le canapé, caressait ouvertement sa fillette devant la télé, au su et au vu de tous... qui prétendirent avec une belle unanimité n'avoir jamais rien su ni vu... tentant d'incriminer la "mythomanie" de la victime lorsqu'elle se décida, longtemps après, à porter plainte. UN seul a fini par craquer : les autres ont suivi. Eût-il résisté, on serait toujours dans le doute : la parole d'UNE seule contre celle d'un clan insoupçonnable pèse peu. Notons aussi que subir des maltraitances de ce type -associées à des mystifications: "il ne s'est rien passé, tu délires, il faut te soigner, prendre tes médicaments..."- peut réellement conduire à la maladie psychique ou à une dérive sociale dramatique -la prostitution par exemple- et là le cercle est bouclé: crime parfait. Qui va écouter un malade mental ? Une prostituée ? Une droguée ? On confond seulement cause et conséquence. (90% des prostituées ont été abusées sexuellement dans l'enfance.) Et un paranoïaque a parfois été réellement persécuté.
Deux autres cas (lien avec "le syndrome de Stockholm")
et un autre encore plus lourd (lien)