mercredi 22 août 2012

"Chaque fois que ça m'arrive (de ne pas penser comme tous), je me retrouve à l'hôpital"..

 

"Chaque fois que vous vous trouvez du côté de la majorité, il est temps de vous arrêter et de réfléchir!"
Version "hard" d'Esterson ("L'équilibre mental, la folie et la famille".) Le médecin à Ruth, une "malade" guérie qui déplore cependant de ne pas toujours parvenir à penser comme tout le monde: "Mais pourquoi croyez-vous que vous ne devez pas penser autrement que comme tous?" Ruth : "Je ne sais pas, mais chaque fois que ça m'arrive, je me retrouve à l'hôpital psychiatrique."

lundi 20 août 2012

Le syndrome de Stockholm "étendu", le cas Adèle ou le sacrifice d'Iphigénie

LE CAS ADÈLE (ET LENA)

In english, abstract, here (link)

Note : une lectrice me fait remarquer que le syndrome de Stockholm est à la base de toute la société et permet en effet que "les gens se battent pour leur esclavage comme s'il s'agissait de leur liberté" (Spinoza). Cela se voit à tous les niveaux, parfois simplement par une passivité étonnante devant des dols aussi évidents que lourds de conséquences (lien avec le cas "Jacky"). Le fait est que le "caterpilleur", droit sur son engin, viril mais -faussement- serviable, il vous arrache trois accols mais vous "offre" un chemin -qui existait déjà!- semble inexpugnable et parfois fascine.

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LES AGRESSEURS SEXUELS 
ET LEURS KAPOS, LE CAS ADÈLE
(Extrait d'un article de "Femmes avenir", lien) 

[Il s'agit de maltraitance sexuelle intra familiale..]


... Il arrive que ceux ou celles ayant subi -ou été témoins- dans leur enfance d'actes gravissimes pratiquent un déni qui va jusqu'à la solidarité pleine et entière envers le doleur, puis, dans la foulée envers tous au point extrême D'ÉREINTER A PRIORI TOUTES LES VICTIMES, telles les femmes battues agonissant les féministes qui les défendent, elles et d'autres. C'est le syndrome de Stockholm, déroutant mais fréquent lorsque l'agresseur, un proche -c'est la majorité des cas- demeure malgré tout aimé. La "loyauté" envers un être cher même de ce type devient traîtrise envers soi, envers ses autres victimes et ensuite envers toutes. Exemple.


 Léna 

Léna [milieu petit-bourgeois intello] a subi à 16 ans une agression sexuelle de la part d'un proche, pas un viol, unique et jamais réitérée, un quart d'heure de folie ou de fureur inexplicables dans la vie exemplaire d'un parfait qui se termina à 95 ans, insoupçonnable et apprécié de tous. Pas vraiment soutenue cependant -on l'a faite taire- elle en garde quelques séquelles. Elle est comme forgée par ce drame et lors de stress, "cela" revient confusément mais comme souvent les agressés sexuels rescapés, elle fait preuve d'une force hors-norme associée à une certaine fragilité.

Elle n'en a ensuite plus jamais parlé, même pas à son psy, s'efforçant d'oublier et a oublié. Pas tout à fait pourtant et c'est pire, cela existe en elle comme toile de fond, l'émotion a pris le relai du logos, et elle réagit parfois démesurément même dans des situations anodines. A la faveur d'un événement sans rapport, longtemps après, "cela" est revenu mais cette fois avec une telle force qu'elle a enfin fait son "coming out". Encore avait-elle brièvement mentionné autrefois l' "anecdote" en l'édulcorant, une seule fois, à son compagnon, comme on avoue un crime à qui se propose de partager votre vie, ayant croyait-elle, surmonté le bouleversement qu'un tel acte même unique et "a minima" génère à vie.. 

Elle parle donc mais cette fois ouvertement, publiquement, d'abord à des groupes de femmes, ensuite à des amis en nombre ahuris, et enfin à un très proche, David. Elle tente même d'exiger de son agresseur âgé une explication écrite -elle n'a pas le courage de l'affronter de face- il est auteur.. et n'obtient que 10 pages qui éludent habilement, -à demi car il ne nie pas- la question pour s'attacher à des détails sans intérêt. Elle n'a pas la force d'en exiger davantage.. 


David, l'aveu et le résultat

Mais à David, son frère putatif, elle écrit. Non pas pour dénoncer a priori son agresseur mais seulement, au sujet d'une vague dispute qui les a opposés, pour expliquer sa violence, pour se faire pardonner en quelque sorte. Il est un fait que les agressés sexuels ont souvent des réactions hard inattendues qu'ils ne peuvent expliquer aux autres qu'en faisant mention de leur équation personnelle, ce qui est la plupart du temps impossible.. et qui les isole davantage; une de leurs séquelles et non des moindres. 

Le résultat est immédiat, UNE LETTRE D'INSULTES, notons le, nullement au sujet de la dispute [le seul sujet] mais seulement de cet aveu sur lequel il s'appuie pour la démolir davantage. Il se sert donc contre elle de cette douloureuse confession pour enfoncer encore le clou qu'elle a imprudemment planté: elle est une "semeuse de merde jalouse et aigrie par une vie affective anéantie -elle vient de divorcer- reliée à son détestable caractère, elle ignore tout de ce qu'est l'Amour et ne l'a jamais connu etc etc.." 3 pages maladroites parsemées de curieuses majuscules, suintant d'une inextinguible haine; elle rompt sans même exiger d'explications. Les agressés sexuels ont une bonne résistance aux rebuffades mais, se sachant vulnérables, ils choisissent souvent la fuite sans retour, une résistance par le vide.. Témoignant parfois d'une indifférence voire d'un cynisme qui les fait méjuger, ils peuvent aussi s'effondrer d'un coup... Sachant d'expérience que les choses ne sont pas ce qu'elles sont censées être dans les discours -notamment scolaires-, isolés ou se croyant tels, plus lucides que d'autres, ils tendent à obérer leurs affects, des "forts" croit-on, c'est vrai, mais forts parce que fragiles. Bref, elle n'y songe plus. Le trait est tiré sur le chapitre-David.

4 ans plus tard, coup de théâtre, à la suite d'un décès qui les a obligés à se revoir, à l'occasion d'une réflexion de celui-ci ["pourquoi ne m'as-tu pas appelé lorsque tu as trouvé ton père mort?".. "Après ce que tu m'as écrit, tu plaisantes?"] elle apprend qu'il ignore tout de la lettre... qui provient, non de lui qui pourtant l'a "signée" mais de sa femme.. qui a signé pour lui -une double signature-... et que de surcroît il n'a jamais eu celle de Léna -adressée à lui seul- escamotée par Adèle.. Elle lui avait seulement dit que Léna lui avait écrit" [à elle] et aussi surprenant que cela paraisse, il n'avait demandé ni à lire ni n'avait interrogé Léna sur ce qui avait apparemment mis Adèle en colère. [Travailleur acharné, il enchaînait à l'époque
sans un instant de répit plusieurs travaux pénibles, constructions, mécanique.. et Léna idem, dans un autre domaine. Une famille où on parle peu et ne médit jamais, une erreur.]
 
Adèle, un kaléidoscope

Adèle est un cas. Issue d'une famille immigrée culturellement défavorisée dont, intelligente et ambitieuse, elle est une rescapée, chaleureuse, "nature", mais sans états d'âmes, elle est, malgré son aimable allure, un kaléidoscope, à la fois candide et retorse, directe, brute de décoffrage et insinuante, généreuse, indéfectiblement loyale envers certains et impitoyable envers d'autres. Or, il se trouve qu'une rumeur persistante parle d'un inceste entre son père et sa sœur aînée qui, mise à la porte lorsqu'elle se trouva enceinte (!) disparut alors nuit et brouillard avec le bébé. Adèle a toujours occulté cet épisode -bien que son milieu ait rendu le drame plus ou moins public-; la seule fois où elle évoqua allusivement le sujet, [sans la moindre mention de l'épisode du viol même pour le nier] ce fut fortement à charge contre sa sœur, une écervelée, le mot "traînée" étant largement sous entendu, qui avait eu des "problèmes" (?!), était partie au grand désespoir de tous et qu'on ne parvenait pas à retrouver, pas plus que la petite Anita abandonnée à la DDASS, ce qui peinait tant sa mère etc etc... [ce dernier point s'avéra aussitôt une contre-vérité: Léna entreprit tout de suite de la retrouver, y parvint facilement -de son côté la petite cherchait désespérément sa mère- sans autre résultat qu'un rejet sans appel; elle avait 12 ans, fuguait sans cesse, son mal-être était poignant mais les grand-parents qui en fait n'avaient jamais bougé, lorsqu'il fut question d'une simple visite de retrouvailles de l'enfant, se trouvèrent soudain des obligations urgentes ailleurs.. et on n'en parla plus.. 5 ans, le temps passe vite!]


Anita, Iphigénie 

Mais voilà qu'à 17 ans, la jeune fille surgit telle une Parque des Enfers. La DDASS cette fois l'avait imposé, plus moyen de se défiler. [Selon l'indécente inversion des responsabilités dont elle avait le don, Adèle protesta fort contre la terrible incompétence de l'administration, un scandale, "ils" les obligeaient à reprendre -en fait seulement à revoir- une gamine qu'"ils" avaient abandonnée (!) "bousillée" etc..] Et son témoignage à charge contre son grand-père et père disait-elle fut accablant, elle assurait même avoir été témoin de ses relations avec sa mère, bien après qu'elle fût chassée [il la voyait en cachette.] Pire, elle affirma ensuite qu'au cours de ses rares visites, il avait tenté envers elle aussi des gestes non équivoques (!) Un détail tendait à corroborer au moins sa paternité, elle était son clone. Pour le reste, comme toujours en cas, il n'y avait que sa parole.

Les liaisons dangereuses
 
Adèle avait donc signé à la place de David et Léna avait réagi comme prévu par une rupture en silence, un coup bien calculé de la part de qui savait comment réagissent les agressés sexuels intrafamiliaux. Ici, Adèle est un syndrome de Stockholm par procuration : elle fait corps non seulement avec un doleur jamais incriminé mais a priori avec TOUS, fustigeant toutes leurs victimes. Elle prend par principe définitivement le parti du bourreau contre sa proie, y compris, comme les syndromes de Stockholm, lorsqu'elle est cette proie et plus encore s'il s'agit d'une autre. Des bénéfices secondaires? Pas toujours, si ce n'est ici de faire taire les bruits persistants sur sa lignée [et sur elle] et de présenter l'image convenue obsessionnellement appétée d'une respectable bourgeoise au moralisme sans faille. Mais parfois, les anti-bénéfices montrent qu'un syndrome de Stockholm n'est pas opportuniste ou plus exactement opportuniste à rebours de ses intérêts. Pour lui, une injustice vaut mieux qu'un désordre : c'est un manipulé qui manipule, un tueur sans gages plus dur encore que son maître envers ses victimes devenues siennes

Dimitri

Le fils de Léna qui trouva par hasard la lettre pleine d'épluchures prête à partir à la poubelle, étonné d'y voir le nom de sa mère, la lut à voix haute et s'amusa à la prendre à rebours. "Mais elle t'adore" s'exclama-t-il en rigolant. Résultat stupéfiant en effet: Léna qui n'avait pas eu le courage de poursuivre jusqu'au bout éclata elle aussi de rire. C'était un transfert presque parfait, une inversion totale des deux personnages. Adèle était Léna et faisait endosser à celle-ci son propre personnage. La fustigeant cruellement sur quelques points de détails.. qui avaient la particularité de lui être applicables et pas à sa victime, elle parlait donc d'elle-même, avec quelques envolées saugrenues hors-sujet: "Nous Nous Aimons Sincèrement plus que Tout et sans Aucune autre motivation que l'Amour, absolument Rien d'autre -disait-elle et faisait-elle dire à David- ce que tu ne peux pas comprendre car tu n'as jamais connu l'Amour.. Nous, nous ne nous Cachons rien, tout dans notre Couple est Limpide comme l'Eau etc..." une profession de foi qui par la suite résonna de manière hilarante. [Or jamais Léna n'avait dit le contraire et cela n'avait rien à voir.] David pouvait-il avoir écrit ceci? Dimitri doutait, Léna pensait qu'il s'agissait d'une œuvre commune mais dans tous les cas, le considérait comme responsable puisqu'il avait signé.

En fait tout le texte, hors sujet, visiblement mitonné pour l'anéantir et mettre un point final à leur relation, était à lire exactement à l'envers.. avec quelques pics cocasses qu'elle n'avait pas lus... Par exemple le couple Adèle-David, incroyablement taiseux, fondé sur d'invraisemblables non-dits, s'opposait à celui de Léna, très parleur, explosif mais hautement transparent ; la perverse c'était Adèle et non Léna, et la jalousie provenait d'elle et non l'inverse etc.. D'autre part, le déni vigoureux et naïf d'une accusation qui ne lui avait jamais été portée était fortement suspect. Le principe du "crayon dans le poche"? [l'enfant qui, déniant avec une précision révélatrice un forfait que personne ne songeait à lui imputer, s'en accuse: "non, je l'ai pas mangé et j'ai pas caché les bouts dans ma poche" s'exclame-t-il par exemple alors que sa mère recompte les pastels qu'il dévore parfois.. et pense que peut-être la boîte était incomplète!] Un syndrome de Stockholm donc, banal quoique compliqué, étendu, quasi obsessionnel.


Le crayon dans la poche

Toute victime qui lève la tête l'offense car elle risque de l'entraîner. Et victime, le syndrome de Stockholm refuse de l'être, refuse même que "cela" puisse exister. Malheur à qui dit le contraire. Si Léna parle publiquement, même d'une agression mineure, créant malgré tout le scandale [pas vraiment mais Adèle vit avec cette obsession] autour du cercle familial nickel que cette alle a intégré au point de ne plus jamais mentionner, tant pour elle que pour son fils, son nom initial ni son origine, elle risque d'attirer l'attention sur son propre cas, sans commune mesure et déjà pointé dans le village. Exit celle par qui le scandale risque d'arriver et par tous les moyens, l'idéal étant de faire porter à David le poids de la charge. Notons que, comme Œdipe, c'est en voulant fuir son destin qu'elle le rencontre: se défaussant d'un seul coup -un revers stupéfiant- du personnage soigneusement ciselé pour un autre, sordide, diamétralement opposé [escamotage de la lettre, signature à la place de David, maladresse et cruauté de l'"argumentaire"..] elle se révélait - 4 ans après certes- : oui, c'était bien le symptôme du crayon dans la poche. Oui, isoler David était pour elle fondamental, pour ne pas "déchoir" à ses yeux; et Léna sur ce point représentait un danger majeur. Encore une fois, ce n'était pas le cas, et c'est justement son obsession qui la conduisit vers ce qu'elle redoutait le plus. 4 ans après. Adèle est au fond touchante : elle vit sur un fil, au bord d'un gouffre -comme les agressés sexuels- et pour l'éviter, y plonge tête première.



Car Adèle, comme beaucoup de borderlines sociaux désavoués qui se sont élevés avec âpreet talent surjoue son personnage ce qui, contrairement au but poursuivi, la dévoile. Sa candeur aussi. Un syndrome de Stockholm est souvent englué dans des contradictions burlesques -c'est sa situation, folle, qui le rend tel- et ce faisant, il se trahit. Par exemple lorsqu'Anita refusa de retourner dans sa famille [où, avait-elle dit à Léna et à d'autres, son grand-père et père (!) tentait de lui faire subir des attouchements] celle-ci l'admonesta sur le mode de la contre-vérité vertueuse, bouffonne et indécente, faisant ce coup-ci endosser à la jeune fille le rôle de l' "adolescente égoïste qui abandonnait (!) des grand-parents âgés et aimants pour aller picoler avec des drogués".. la tirade s'achevant par un finale indigné bien martelé "on te doit rien, si t'es pas contente, la porte est grande ouverte.." alors que c'est Anita qui, laissée sur le bord du chemin par un clan en cours d'ascension qu'elle gênait s'était logiquement liée à d'autres exclus comme elle soi-disant peu présentables (?) Les syndromes de Stockholm pratiquant déni de la réalité, transfert et vérité inversée sont parfois, comme les schizophrènes dont ils se rapprochent, hilarants d'aplomb, pouvant tout à fait devant un exhibitionniste en pleine action s'exclamer sans broncher "voyez combien il est pudique, je vous l'avais bien dit".. un bourrage de crâne violent, loufoque, destructeur et provocateur.. efficace pourtant parfois. Surtout s'il s'agit d'un enfant, ils peuvent déstabiliser, rendre l'autre littéralement fou. [Il arrive aussi qu'ils fassent peur ou que leur face honorable qui n'est pas tout à fait une pose ou disons une pose actée, profitable au groupe, les préserve de tout affrontement. Des parfaits: c'est ainsi que fut qualifiée Adèle par une psy (!) qui ne voyait qu'un côté d'elle, comme Léna autrefois, parce qu'elle soigna avec un dévouement exemplaire ses parents -mais sans le laisser ignorer!-]



Un jour cependant, il y eut un couac, une réponse cinglante exaspérée de celle-ci devant une charge de trop contre Anita, toujours sur le mode père-noble qui lui était propre ["on sait pas pourquoi cette gamine refuse à toutes forces d'aller chez ses grand-parents; même lorsqu'on y va, elle veut pas venir et rester ici, ça les peine tellement, les pauvres, à leur âge" etc etc..] Ce fut la goutte d'eau. Léna, qui avait accepté, mal, qu'après qu'elle ait cherché et trouvé une enfant "perdue", le résultat fût un rejet [pire encore car cette fois non justifié par la détresse sociale et, pour sa mère, le désir de la protéger] Léna donc, exaspérée, coupa net : "Elle a peut-être ses raisons".. et là, ô stupeur, la réplique d'Adèle claqua immédiatement: "C'est pas vrai!" (!) dévoilant, candide que malgré ses discours torturés hypocritement interrogatifs, elle n'ignorait rien des accusations portées par la jeune fille contre son grand-père. Vraies? fausses?

L'engrenage de la perversion 

Notons que les syndromes de Stockholm, lorsqu'ils sont pervers -et ils le sont presque toujours puisqu'ils épousent fait et cause les dénis des doleurs- tendent à recruter, lançant contre les victimes des piques de plus en plus aiguës jusqu'à ce que le fil casse. Ils tissent leur toile. Avertis, ils sauront jusqu'où ils pourront aller. Léna en fit les frais sans le savoir : étant la seule à pouvoir démentile roman familial [la petite fille engloutie par un système impitoyable de fonctionnaires odieux et incompétents qui avaient refusé de la rendre à une famille démunie incapable de se battre pour faire valoir ses droits etc.. etc..] Léna représentait un danger si elle parlait [elle ne le fit pas]. Elle l'apprit ensuite, Adèle, en public, avait coutume de lancer quelques épigrammes contre elle sur le mode à la fois insidieux, rigolard et "nature" qu'elle affectionnait, y compris auprès de gens qu'elle ne connaissait pas, sous-entendant qu'il fallait se méfier de ses dires ["avec elle on sait bien ce que c'est (?) il faut toujours en prendre et en laisser"..] "menteuse" n'étant pas explicitement formulé mais insinué, sans manquer d'ajouter qu'elle l'aimait beaucoup tout de même. Le fait est pourtant que Léna s'était tue, malgré sa déception et les propos à tiroirs des personnels de la DDASS ["une affaire compliquée.. ne vous attendez pas à des miracles.. il peut y avoir rejet de la part de la petite.. ce n'est pas comme dans les histoires au cinéma.. il y a parfois des éléments qu'on ne maîtrise pas .. il faut que cela passe d'abord par d'autres, pas par les grand-parents" etc.. La mère d'Anita aurait-elle exigé que sa fille ne soit pas mise en relation avec eux? était-ce pour lui demander son accord qu'un délai de 10 jours fut imposé à Léna avant qu'on ne lui indiquât l'endroit où vivait l'enfant? Suivait-elle sa fille de loin? Avait-elle été contactée lorsque la petite les harcela pour la retrouver? Était-ce pour la protéger de ses macs qu'elle n'avait pas donné suitece n'était pas tout à fait clair, vaguement sous-entendu et Léna n'en demanda pas davantage]. "Le crayon dans la poche" encore une fois: il n'était pas nécessaire de prendre de telles précautions pour la décrédibiliser, son silence était acquis... et ce furent justement ces détractions insistantes qui finirent par mettre mal à l'aise des amis qui l'en avertirent. L'un d'entre eux était d'autant plus gêné que c'était Léna qui l'avait mis en relation avec Adèle pour des travaux.  

La vérité et la lâcheté de tous

Anita disait-elle vrai? Il est sûr qu'elle détestait sa famille pour avoir jeté sa mère enceinte à la rue et l'avoir vouée à des errances dramatiques, une famille qui, malgré une remarquable ascension sociale [signe qu'ils étaient loin d'être aussi paumés qu'ils le prétendaient] l'avait sans appel rayée de l'arbre généalogique. Était-elle revenue régler des comptes au couteau avec ceux qui avaient conduit sa mère à la prostitution et elle à la DDASS, rejetée deux fois ? [Léna étant venue la voir dans la famille où elle vivait, tout proche, le mythe de l'enfant perdue arrachée aux siens avait, pour elle du moins, volé en éclats.] 

L'entourage se départageait, la gêne était palpable; ne pas la croire était la solution de facilité : Adèle, posant en porte-fanion haut en couleur de la moralité de tous, y compris de celle des autres pesait son poids tandis que la jeune fille était vouée à repartir à jamais -c'est bien ce qui se passa-, personne parmi ses proches ne semblant la retenir (!) Adèle par ailleurs se comportait parfaitement en tant qu'épouse, bru, nièce; dévouée -mis à part quelques couacs en dessous qu'elle voulait discrets, par exemple la lettre- elle faisait même preuve d'une souplesse d'échine inattendue vis à vis de la chef du clan, la mère de Léna, qui ne l'appréciait guère. [Il est possible que sa tentative -aboutie- de séduction envers Léna ait eu pour but de faire céder la sultane: cela fonctionna, à demi. Notons que c'est après la mort de celle-ci qu'Adèle ne prit plus de gants envers Léna devenue inutile voire dangereuse.. suivie peu après d'une joyeuse garden party dans son jardin jouxtant celui de Léna qui ne perdit rien cette nuit-là des éclats de rire, bruits de verres etc.. Une vengeance par transfert -sur une femme qui notons-le, l'avait soutenue (!) contre celle.. à qui elle était adressée !?- toujours selon le même principe, se venger sur le plus faible. Ou peut-être un défaut d'éducation?]

Revenons à la vérité: un peu de lâcheté sans doute présidait à ces "doutes" au sujet des dires d'Anita; une famille fonctionne comme un corps et de celui-ci Adèle était ou s'affirmait le cœur; prêter foi aux accusations d'Anita eût été destructeur pour cette branche reliée à Adèle. La branche aînée, celle de Léna était embarrassée et fit un moyen terme. Les relations entre les deux lignées se distancièrent ; ce squelette dans le placard, ils ne voulait pas en être responsables mais se positionner trop hard était peut-être injuste: ils ne pouvaient être sûrs de rien [soit, mais ce dont ils étaient sûrs eût dû être suffisant]. Bien que la jeune fille vînt souvent chez eux, s'y sentant bien et vice versa, eux aussi n'en parlèrent presque plus. C'est ainsi que les relations perdurèrent a minima entre les deux branches de la famille y compris envers les parents d'Adèle que petit à petit, celle-ci avait réussi à imposer par le biais de son fils, anniversaires, fêtes etc..

Indices

La parole de l'une contre la parole de l'autre. Is fecit cui prodest. La passion d'Adèle pour le conformisme social, même au prix des divers saccages dont elle avait parsemé sa route la rendait éminemment suspecte; mais la haine d'Anita envers sa famille, également. Certes, Adèle se laissait parfois aller à certaines transformations de la vérité facilement repérables et toujours repérées confinant à de la mythomanie, notons-le, essentiellement pour vanter son fils.. travers dont on souriait avec indulgence.. Mais ne signifiait pas pour autant qu'Anita dise vrai. Le seul fait sûr était le rejet de Sonia, enceinte, sans diplômes [ses parents, malgré l'insistance d'instituteurs* navrés, ayant catégoriquement refusé qu'Adèle -la plus douée disait-elle-, étudiât, il est probable qu'ils en avaient fait autant envers l'aînée] un argument en faveur d'Anita. L'autre -mais il vint après coup- était évidemment la lettre, Adèle, la dévouée pouvait donc se révéler carrément une Merteuil. Tout fut pourtant -à peu près- comme avant! Une précision: ces gens qui se sont tus avaient dans le passé donné des preuves indiscutables de leur engagement et de leur courage (!) 

Conclusion, la loi du plus fort

En cas d'agression sexuelle intra familiale contre un "enfant" -ou un mineur- la disproportion de forces écrasante entre le doleur et la victime fait que le doute profite toujours au plus fort: Anita partit à jamais; Adèle demeura, de plus en plus puissante, utile, sûre d'elle et de ses dénis, ses parents de même, devenus prospères et le roman fut réédité.. Le mythe -cependant démenti- remplaça le réel.  

Pour elle, le danger était écarté.. à condition d'écarter Anita. Ce fut fait. Facile, les agressés partent toujours. Exit Anita, tapis rouge pour le doleur [un homme fruste, analphabète, gros travailleur, impeccable ouvrier, vénérant et vénéré de son patron, généreux, économe et toujours plaisant].. et il n'y eut plus de ça de là que de vagues allusions outrées -mais plus discrètes, du moins devant Léna- à "cette gamine perturbée" devenue "délinquante irrécupérable" [cela aussi était faux et presque une contre-vérité: son charme, sa vivacité, son charisme et son humour attirant autour d'elle une cour d'admirateurs dévoués des deux sexes et ceci jusqu'à sa mort].. cette jeune fille dont à la fin on ne savait plus rien, petit Poucet laissé dans les bois, perdu, mais cette fois définitivement. Mieux vaut socialement avouer [ou plus exactement inventer] une nièce dérangée, droguée et hors-la-loi, ça arrive dans les meilleures familles, qu'un père violeur incestueux. Fin de l'histoire. Léna n'apprit sa mort que longtemps après celle-ci, par hasard. Le sacrifice d'Iphigénie. C'est pour elle que ceci est écrit.

Transfert

Or cette volée contre Anita fut exactement identique à celle que subit Léna lorsqu'elle aussi parla de son cas [dérisoire]. Mais si elle ne fut pas réellement affectée par la lettre, la disproportion de forces jouant ici largement en sa faveur, pour Anita, ce nième rejet l'anéantit: éreintée de toutes parts y compris par sa propre famille retrouvée depuis peu, y compris par une tante innocente qui au lieu de faire tampon, s'alignant devant le plus fort, l'accablait violemment, non défendue ou mal, elle dériva jusqu'à sa fin prévisible, dans l'indifférence complète de toute sa lignée et indirectement de toute une famille d'alliance honorable mais manipulée. 

Les séquelles de viols ou d'agressions sexuelles peuvent perdurer et même s'amplifier très longtemps après y compris chez les enfants des agressés ou maltraités, dégâts collatéraux, surtout s'ils se trouvent confrontés à des syndromes de Stockholm qui les précipitent dans le gouffre. 

Les responsables? Le violeur [ou simple père indigne] évidemment qui ne fut jamais inquiété si ce n'est par la rumeur insistante jamais suivie de dénonciation franche, mais aussi Adèle qui l'aida largement à détruire sa dernière victime. [Mais la jeune fille, le connaissant à peine et n'éprouvant nulle affection pour lui, aguerrie par son passé, sut se défendre mieux que sa mère: elle le dénonça, parla à tous et, après un épisode plus hard où il aurait tenté de la coincer dans un couloir, refusa sans appel de le revoir.] On aurait pu penser que celle-ci ayant réglé ses comptes, d'elle même et en ayant suscité son bras armé, Léna -ensuite liée à un compagnon plus âgé vivant dans les bois par sa profession-, s'en était tirée: par la fuite. Ce ne fut pas le cas.

Une famille modèle -presque- ouvrière, catholique et travailleuse, extrêmement soucieuse d'ascension sociale dont Adèle, bien mariée pour leur plus grande fierté était le fleuron. Une observation : le fait, dans l'enfance d'avoir subi ou seulement été témoin impuissant de violence sexuelles ou autres suffit à faire de l'enfant et même de sa descendance une victime par procuration avec les séquelles souvent identiques ou pires que celles des agressés directs. Cela m'a été signalé par plusieurs lecteurs (de "Secret de famille"), les enfants sont parfois encore plus atteints que les parents. Un agresseur sexuel, violeur [ou seulement père indigne] ne détruit donc pas seulement une victime mais une lignée, fratrie et descendance. [C'est le cas probable du père de Léna -ici, milieu intello-artiste- qui avait vu une de ses sœurs -à laquelle Léna ressemblait- menacer leur jeune beau-père qui tentait de la peloter ou pire.. La jeune fille se maria rapidement peu après, quitta définitivement sa famille et même son pays.. et 40 ans plus tard, le frère-témoin eut ce geste contre.. l'image de sa sœur, sa propre fille. Non, on n'oublie pas.]

Il faut noter que les agresseurs sexuels peuvent ensuite vivre un calvaire, ce fut le cas ici, leur respectabilité étant à la merci de leur victime, d'où une haine renforcée reliée à la peur qu'elle ne parle et la haine réciproque de celle-ci qui peut aussi en jouer. Ou le meurtre dans certains cas. Réel ou symbolique [l'exclusion, comme dans le cas d'Anita]. Ambiance. 

Les sacrifiés

*Beaucoup de parents d'enfants "maltraités sexuellement" [le mot "abusé" est impropre] ou seulement maltraités tendent à leur interdire toute étude ou en règle générale tout ce qui pourrait les renforcer... par désamour ou peut-être par méfiance, au cas improbable où ceux-ci voudraient plus tard les dénoncer afin de les discréditer par avance. La parole d'un agrégé de maths est plus tenue en compte que celle d'une prostituée ou d'un enfant de la DDASS alcoolique, et la candeur, souvent prégnante chez les inéduqués, les rend parfois malhabiles dans leurs propos et dans leurs réactions voire suscite ou renforce le syndrome de Stockholm, plus fréquent et plus grave dit-on chez ceux-ci [ce point, discutable, n'est pas toujours admis]. Enfin, porter plainte leur vient rarement à l'esprit. De fait, malgré sa haine, Anita qui aurait pu le faire ne l'a pas fait. Note: sa mère ne fut jamais retrouvée. 

Adèle, une victime aussi


Manipulatrice mais d'une malhabileté touchante, elle était au fond, et bien plus que Léna [qui elle s'était révoltée efficacement] une victime marquée par un passé incommensurablement plus difficile qu'elle n'avait jamais pu liquider [plus les faits sont effroyables, plus les victimes sont anéanties et plus le syndrome de Stockholm est prégnant, cercle vicieux].. Sympathique "vu du ciel", odieuse "vu de la terre", héroïquement loyale d'un côté, Merteuil de l'autre, comme tous les syndromes de Stockholm, c'est un personnage déchi qui porte lui-même le poids d'un crime qu'il n'a pas commis, un crime contre lui et contre d'autres, n'ayant pas compris qu'il devait choisir son camp quels que soient les dégâts qui risquaient de s'ensuivre, de toutes manières moindres que ceux qu'il occasionne par sa forfaiture [des dégâts contre les doleurs contre des dégâts contre leurs victimes, hélas, il choisit les seconds]. Voilà pourquoi il FAUT parler.. et pourquoi cela est si difficile. Se heurter lorsque l'on parle... à une Adèle côté Merteuil qui ferraille contre vous avec une telle virulence -une victime pourtant et d'une dimension incommensurable- est plus pénible et plus inattendu qu'affronter un doleur armes à la main. C'est souvent le cas: les agresseurs savent jouer de leur force -avec leurs proies-, puis recruter des séides ET des nounous ensuite, longtemps après, arguant alors de leur faiblesse -utilisant l'une contre l'autre ou l'oubli s'ils sont âgés-. Eux aussi sont des Janus.. et parfois, côté jardin, indiscutablement bons types. 

Voilà pourquoi il faut parler, ester. Même 30 ans après. 

Les responsables; un sinistre engrenage 

Question : si Anita avait porté plainte, si Léna le lui avait conseillé [elle ne le fit pas] si elle avait été entendue [quelque soit le résultat] serait-elle toujours en vie? Peut-être. La famille [d'Adèle] eût éclaté sans doute, le père aurait été inquiété, peut-être été condamné, certes des innocents auraient été marqués, mais sa vie en valait la peine. Un gâchis dont les responsables dans l'ordre sont: 
1 le père;
2 la mère fervente catholique qui laissa faire; 
3 Adèle qui accabla une victime, puis une autre; 
4 la DDASS qui confia Anita à de multiples familles sans contrôle;
5 ces familles plus soucieuse de l'argent qu'elle rapportait que d'elle; 
6 l'entourage [le village] qui parla mais ne fit pas de signalement; 
7 la famille d'alliance d'Adèle qui n'osa pas prendre parti;
8 les inégalités sociales vis à vis des immigrés surexploités;
9 la religion catholique mal comprise;
10 la société bourgeoise qui terrorise ses affidés un peu courts;
11 l'éducation nationale qui ne sut pas s'imposer aux parents et voua les deux filles à une vie diminuée et dramatique;
12 Léna qui retrouva Anita et lui donna de vains espoirs.
Un sinistre engrenage dans lequel Anita et sa mère furent broyées. 

Bilan :

1 la famille, travailleuse, économe et habile à obtenir quelques faveurs de hiérarques, prospéra considérablement; 
2 le père mourut en patriarche, apprécié par tous, modèle de réussite et d'intégration cité au tableau d'honneur;
3 Adèle demeura plus ou moins la bourgeoise qu'elle rêvait d'être, certes avec quelques couacs; David se détacha d'elle, sans divorcer -l'essentiel- et se rapprocha de Léna*.
4 Sonia, la mère d'Anita, demeura prostituée et on ne retrouva jamais sa trace;
5 Anita se suicida. 
6 Léna continua sa carrière d'écrivain, pensant souvent à Anita.

*Ce qui généra quelque temps après une intrusion d'Adèle ET de son fils briefé contre Léna, chez celle-ci, avec diverses accusations (le masque tombé, tout les coups alors sont permis) sans doute sincères (?) de la part du jeune homme... qui PRÉTENDIT IGNORER TOUT DE L'HISTOIRE... UNE HISTOIRE QUI CEPENDANT S’ÉTAIT DÉROULÉE SOUS SES YEUX (!) cas classique d'un déni ici phénoménal... au point que Léna dut faire intervenir la police pour les faire sortir. Notons ici qu'Adèle a apparemment transmis elle aussi à son fils son propre déni ainsi que les traumatismes qu'elle a subi et que selon son habitude, (un transfert là aussi) n'osant pas elle-même affronter Léna, elle en a chargé un séide (mais relativement innocent, lui) tout comme elle avait été celui de son père contre Anita. Les syndromes de Stockholm aussi se transmettent. Notons aussi que l'agressivité dont elle fit preuve envers Léna, violant son domicile au forcing, cessa immédiatement lorsque les policiers arrivèrent: le personnage se transforma immédiatement en une dame calme qui "ne comprenait pas pourquoi Léna s'énervait autant" (même processus que celui dont elle avait usé contre Anita.. devant Léna).. Et enfin.. que David ne FIT RIEN POUR EMPÊCHER L'INTRUSION ET DÉFENDRE LENA. Oui, quelque soit l'amour qu'il éprouvait pour sa grande soeur, c'est tout de même elle qu'il laissa au front sans broncher... ce qui ne l'empêcha nullement de revenir ensuite comme s'il ne s'était rien passé. Le lendemain, tout était "oublié" (pour lui.)