Cet article est doublé ici (lien) car il correspond en fait à l'origine ou à une
des origines du blog (lien) sur le génocide des roms. Il s'agit du racisme subi trois mois seulement par une jeune fille "bien sous tout rapport" selon la loi
pérenne inscrite dans les cieux de la sottise humaine. Il faut
seulement pour eux élever cette histoire à la puissance "n". Cette jeune
fille, c'était moi.
Un établissement public, le Lycée Pasteur, où je fus scolarisée en 6ième, à 10 ans soit un an de moins que la plupart [ce qui en cas de bagarre n'arrange rien.] Où la première question que l'on posait aux nouvelles -sans agressivité au départ- était "es-tu catholique; juive?" et en cas de réponse négative "alors protestante?" -Parfois pas dans cet ordre-. Force me fut d'avouer que je n'étais rien de tout ça. Mauvais. Car en principe, à la suite du QCM, venait "Communiste?" Pas davantage mais ça compliquait et finalement "rouge" et "fille de rouge du Midi" fut la funeste étiquette qui me fut accolée. Un accent que "l'o' n'comprend" pas, le pire étant qu'au début moi non plus ne les comprenais pas et parfois cela valait mieux. Ainsi les gens du midi étaient-ils "sal'fê'nâtbêtroug c'stignar'k'ôlêêcprâ" ce qui décodé signifie "sales, fainéants, rouges, bêtes, communistes et on ne les comprend pas".
A la cantine, j'étais censée manger "mal", qu'est-ce à dire, les coudes sur la table ? Ou les mains mal positionnées? Je ne me souviens plus, mal en tout cas. La chef de table veillait, toujours derrière moi. D'autre part, comme j'étais vouée à l'enfer, cela n'avait guère d'importance. Dans les rangs, "on" s'ingéniait à imiter l'accent que je n'avais presque plus et les rires fusaient dès que j'arrivais. Toutes n'étaient pas au diapason certes mais aucune n'osait s'opposer aux réalisatrices-actrices de la pièce, souvent des anciennes. Pénétrer au lycée le matin me nouait l'estomac. Ma seule "amie", Agnès, était juive -encore m'évitait-elle lorsque ça allait trop mal-. Je n'en parlai jamais à mes parents ni à quiconque, j'avais honte. Honte pour eux aussi, toujours mis dans la charrette des charges. ("Fille de rouge.")
50 ans après je n'ai rien oublié. Depuis ce temps, je sais qu'il est facile de devenir délinquant et qu'au bout du racisme, il n'y a parfois que les poings comme arguments.. et surtout que l'on peut facilement tuer, n'importe qui le peut même une enfant d'instit bien sous tout rapport. Si on ne me l'avait pas arrachée, l'aurais-je fait, du moins si j'en avais eu la force -et, mystère, je l'avais-? Le fait est que cette tueuse surgie de moi visait avec une sorte de joie sauvage d'animal déchaîné, d'instinct là où un coup peut occire, tête, plexus solaire, nuque -après l'improbable avantage de l'effet de surprise, voulais-je la mettre définitivement "out" avant qu'elle ne se relève? Non, je ne "pensais" plus, c'était mon corps qui pensait à ma place-. Un état d'amok? Sans doute. Le racisme, c'est cela.
*Les agresseurs racistes n'ayant en principe aucune conscience de ce qu'ils ont fait manifestent souvent une parfaite sérénité devant Dieu -ici le Proviseur- et les hommes sans songer à nier, plutôt fiers de leurs actes de bravoure contre de "beaucoup plus forts" même s'il s'agit de femmes et d'enfants [cf les riverains qui ont attaqué des familles roms à Marseille (lien) paradant devant les caméras de télé.] Une observation : que se serait-il passé si Dreyfus avait ri ou renchéri aux insultes benoîtement avouées par ma "victime", ces bonnes blagues qu'musaient t'l'mônd'? Sans doute en effet toutes les conditions eussent-elles alors été réunies pour que je devinsse vraiment délinquante. Voire tueuse. Et cela, c'est ce que subissent les roms depuis toujours (lien).
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La haine qui couvait en adhérence ici contre les basanés, les gens du sud, les métèques et les athées ne provenait-elle pas de l'identité historique incertaine des bisontins rattachés à l'empire espagnol de Charles-Quint, puis à l'empire germanique de son successeur et tardivement à la France.. comme si en cette ville-pierre angulaire de deux empires, deux cultures l'Espagne toute puissante et la Germanie combattaient encore en archétypes? Le désir obsessionnel -et hostile- devant tout nouveau venu [dans une cité qui pourtant ne connut pas de guerres de religion] de le situer dans un camp ou dans un autre, catholique ou protestant, du Sud ou Germain serait-il relié au passé? Accent, patois, la "culture" franc-comtoise affichait obstinément avec fierté des valeurs controuvées -voire démenties par la réalité- dites "germaniques" [travail, fiabilité, courage, sérieux, hygiène, ponctualité, self-contrôle, modération, foi, discrétion, ordre, obéissance, délicatesse, intellectualité, esthétique*] opposées à tous les péchés du sud en clichés [nonchalance ou paresse, défaut de parole, pleutrerie, superficialité, saleté, procrastination et versatilité, comédies, laisser-aller verbal, apostasie ou hérésie, hâblerie, désordre, libertarisme, vulgarité, ignorance brute, inesthétisme] formant ici la superstructure cocasse et mortifère dont je fis les frais. Un indice, dans ce lycée -fait rare- la première langue était celle de Goethe -même pour des médiocres- et quiconque optait pour l'anglais était un out sider mis à l'index.
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* En italique, celles qui d'après mon expérience relativement brève et perso me sont apparues non seulement controuvées mais inversées, la première étant l'hygiène, semblait-il alors assez sommaire, du moins dans le HLM où vous vivions, au lycée et à l'école où ma mère enseignait. Le froid peut l'expliquer -les enfants, selon les mamans qui le soulignaient avec une naïve fierté "prenaient bien leur douche tous les samedi".. de même que c'était ce jour-là que leur linge de corps (culotte, sous-pull) était changé.- C'était en 58. Par la suite, à Marseille, ce n'était pas seulement le linge qui était changé tous les soirs et la douche qui suivait -comme nous pratiquions en Cévennes- mais le plus souvent toute la maison, sols, cuisines quotidiennement lessivés à fond -ce que nous ne faisions pas-. Je ne sentis jamais d'odeur désagréable dans les couloirs des immeubles, ce n'était pas le cas à Besançon.
Autre valeur controuvée, l'esthétique. Reliée à la possible déficience hygiénique? Peut-être, mais l'obésité, déjà, chez les enfants, mal cachée par des vêtements parfois inadéquats, ainsi que l'état dentaire et des cheveux assez médiocre marquaient souvent tristement allure et visage.
Quant à la "discrétion", au self-contrôle et à la "culture", toute l'histoire montre que, en ce cas du moins, ces valeurs étaient comiquement démenties par les accusations elles-mêmes, à la manière de César (Pagnol) qui, lorsque Escartefigues lui reproche ses colères, éclate en une célèbre tirade, furieux, scandalisé par une telle "contre-vérité" (!) "Co-lé-ri-que, MOI?"
"Les rouges et les noirs" ou naissance d'une délinquante
Un établissement public, le Lycée Pasteur, où je fus scolarisée en 6ième, à 10 ans soit un an de moins que la plupart [ce qui en cas de bagarre n'arrange rien.] Où la première question que l'on posait aux nouvelles -sans agressivité au départ- était "es-tu catholique; juive?" et en cas de réponse négative "alors protestante?" -Parfois pas dans cet ordre-. Force me fut d'avouer que je n'étais rien de tout ça. Mauvais. Car en principe, à la suite du QCM, venait "Communiste?" Pas davantage mais ça compliquait et finalement "rouge" et "fille de rouge du Midi" fut la funeste étiquette qui me fut accolée. Un accent que "l'o' n'comprend" pas, le pire étant qu'au début moi non plus ne les comprenais pas et parfois cela valait mieux. Ainsi les gens du midi étaient-ils "sal'fê'nâtbêtroug c'stignar'k'ôlêêcprâ" ce qui décodé signifie "sales, fainéants, rouges, bêtes, communistes et on ne les comprend pas".
Un bahut public mais où régnait en maître le curé qui, tel un prof privilégié, avait
"sa"
propre salle pour le "caté", avec une
chapelle où les filles allaient prier avant les compo.
Avec un cierge parfois. Lock out au
moment des communions quand par ailleurs les absences étaient contrôlées
sans indulgence, si on n'était pas concernées tant pis. Où les débats
alors tournaient tous autour
de la robe, les riches optant pour
l'aube plus chic, les autres ressortant des fanfreluches usées.
Un harcèlement donc, des "moqueries" ou plutôt sarcasmes et cruautés assez peu variés mais constants; jamais les porfs
(je laisse) toutes du cru en 6ième -pas le top- ne me défendirent, au
contraire, l'une renchérissait en me reprochant ma "vanité"
(c'm'tl'gens'd'm'dihaha) et celle de lettres exigeait que je "parle
enfin comme tout le monde (!)" ce qui donnait: "m'zlrvév' d'vâpr'dr'vsex
prim'cmtôlmôd s'q'vs' rêrt'jz' rer'c'tiô" ou en français "Mademoiselle
Larrivé, vous devez apprendre à vous exprimer comme tout le monde
sans quoi vous aurez toujours zéro". Je perdis donc à demi mon accent
pour en emprunter, c'est le mot, un autre plus discutable qui parfois
ressurgit encore en cas de colère. [Question: Bérénice ou Titus qui
s'exprimaient en latin ou en grec le parlaient-ils avec l'accent
franc-comtois plutôt qu'avec celui du Midi
lent et articulé?!] Lorsqu'on nous demanda ce que l'on voulait "faire"
plus tard et que je répondis naïvement "écrire des livres" son rire fut
suivi de bon cœur par l'ensemble,"une q' savait mêm' p'parler
cr'ect'mêênt. N' ôr'tout vu." C'est alors que furent rajoutées à la
liste de mes tares l'arrogance et la vantardise bien connues des
"miens".
A la cantine, j'étais censée manger "mal", qu'est-ce à dire, les coudes sur la table ? Ou les mains mal positionnées? Je ne me souviens plus, mal en tout cas. La chef de table veillait, toujours derrière moi. D'autre part, comme j'étais vouée à l'enfer, cela n'avait guère d'importance. Dans les rangs, "on" s'ingéniait à imiter l'accent que je n'avais presque plus et les rires fusaient dès que j'arrivais. Toutes n'étaient pas au diapason certes mais aucune n'osait s'opposer aux réalisatrices-actrices de la pièce, souvent des anciennes. Pénétrer au lycée le matin me nouait l'estomac. Ma seule "amie", Agnès, était juive -encore m'évitait-elle lorsque ça allait trop mal-. Je n'en parlai jamais à mes parents ni à quiconque, j'avais honte. Honte pour eux aussi, toujours mis dans la charrette des charges. ("Fille de rouge.")
Jusqu'au jour J où je ne m'explique
toujours pas ce qui s'est passé. Ce ne fut pas pire que les autres fois
pourtant. On était en rang dans la cour -pavée!- on attendait la cloche
et les pions pour entrer. Dans une autre file -des quatrièmes,
14 ans !- une fille me jeta une insulte habituelle, je ne me rappelle
même plus laquelle, imitant grotesquement comme
d'hab l'accent du midi, genre "tu t'es lavée aujourd'hui
exceptionnellement" sans doute, rien de sûr, ou encore "ton pap' a
encore chié un article hier?" impossible de me souvenir, la suite ayant
tout occulté de ce détail.
Ce fut le signal de la mise à feu. Avec le recul, j'ai l'impression d'être littéralement sortie de mon corps, j'ai bondi comme un fauve à l'attaque, l'ai envoyée à terre d'un seul coup et du même mouvement frappée de toutes mes forces à coups de pieds au visage, aux côtes puis me suis rabattue sur le dos et le postérieur -elle s'était mise en boule- sans la laisser se relever. Ce fut si soudain et imprévisible que personne n'intervint, tous devaient être tétanisés. Des hurlements cependant et enfin deux pions me ceinturèrent, il en fallut deux et me conduisirent manu militari dans le bureau de la proviseure. J'étais calmée, aussi stupéfaite que tous de cette "autre" qui venait de surgir de moi.. et en un éclair terrasser un tel monument.
Ce fut le signal de la mise à feu. Avec le recul, j'ai l'impression d'être littéralement sortie de mon corps, j'ai bondi comme un fauve à l'attaque, l'ai envoyée à terre d'un seul coup et du même mouvement frappée de toutes mes forces à coups de pieds au visage, aux côtes puis me suis rabattue sur le dos et le postérieur -elle s'était mise en boule- sans la laisser se relever. Ce fut si soudain et imprévisible que personne n'intervint, tous devaient être tétanisés. Des hurlements cependant et enfin deux pions me ceinturèrent, il en fallut deux et me conduisirent manu militari dans le bureau de la proviseure. J'étais calmée, aussi stupéfaite que tous de cette "autre" qui venait de surgir de moi.. et en un éclair terrasser un tel monument.
La
Proviseure! Un bureau de ministre, une belle femme
glacée aux cheveux blancs avant que ce ne fût à la mode qui par
chance s'appelait Dreyfus. "Expliquez-vous mais je vous préviens,
n'ayez aucune indulgence à espérer". Et je m'expliquai. Calme, enfin
libérée de ce que je subissais sans
riposter ni rien en dire, tout y passa y compris les profs, certaines
pionnes, la cantine où je ne pouvais rien avaler.. Pendant ce temps, sans même daigner me regarder, elle
feuilletait mon livret.. Puis elle leva les yeux, son mépris devenu
perplexité. Et lorsque ma victime entra, le fin visage lisse marqua une
certaine émotion ; sans rire, à nouveau penchée sur le livret, elle s'enquit "êtes-vous bonne en gym?" Non, pas du
tout.
A nouveau, un regard vers la fille puis vers moi, un sourcil
levé et un quart de sourire tout de même tant l'image était cocasse de ces
deux gamines dont l'une était déjà une femme corpulente et
l'autre une enfant.
Et elle la questionna. Celle-ci eut l'honnêteté -ou la naïveté- de reconnaitre les faits -elle ne pensait pas avoir péché puisque tout le monde agissait ainsi- et même en rajouta que j'avais omis, un tel humour ne pouvant sans doute que lui attirer la sympathie de la proviseure*. Un imperceptible froncement de sourcils agacé, elle la coupa sèchement et nous fûmes congédiées. Au fond, l'enquête avait été rapide, nos versions concordaient.
Et elle la questionna. Celle-ci eut l'honnêteté -ou la naïveté- de reconnaitre les faits -elle ne pensait pas avoir péché puisque tout le monde agissait ainsi- et même en rajouta que j'avais omis, un tel humour ne pouvant sans doute que lui attirer la sympathie de la proviseure*. Un imperceptible froncement de sourcils agacé, elle la coupa sèchement et nous fûmes congédiées. Au fond, l'enquête avait été rapide, nos versions concordaient.
Le verdict tomba le lendemain après une
longue entrevue avec mes parents, j'étais renvoyée 3 jours
(quelle joie!), rayée du tableau d'honneur (!) ma réintégration étant conditionnée à l'excellence de
résultats qui en ce trimestre n'étaient pas ceux attendus. OK, si ce n'était que cela.. Je devais aussi reconnaitre ma faute
ce que je fis volontiers car c'en était une et de
taille.
J'étais le héros du jour. Toutes les filles assurèrent avoir été écœurées par
ce qui
m'était infligé. Écœurées, mais en silence. Elles avaient eu peur de se
défausser de l'ensemble qui en fait n'était peut-être pas consensuel -mais tonitruant- et de subir en rétorsion le même sort. Une vocation de chef de gang était née mais nous
quittâmes Besançon peu après (lien).
Ma victime fut amère devant l'injustice subie et
en un sens elle n'avait pas tort, elle avait payé pour tous, je l'avais amochée sans
aucune réelle sanction au contraire, ayant probablement "bénéficié" de la situation, d'un "casier" vierge, de la comique image de David et Goliath que nous offrions et du fait que j'avais le profil d'un futur poulain de prépa. Qui sait si je ne ferai pas un jour honneur
au bahut? La proviseure était-elle lectrice de mon -beau mec- de père? Ou
seulement juste, on ne s'appelle pas Dreyfus comme Dupont?
Et les deux profs qui elles aussi et plus que les élèves étaient responsables et que j'avais pointées? Idem, elles suivirent le mouvement sans broncher et, accent ou pas accent, j'eus par la suite de bonnes notes même en français-latin et histoire, ce fut sans chichis, je passai à 19 et 16 la même semaine (!) Politiquement incorrect, vous dis-je. Quant à la cantine, que je tinsse ma fourchette de la main droite ou gauche n'avait plus la moindre importance. J'eusse craché par terre, personne n'eût relevé.
Et les deux profs qui elles aussi et plus que les élèves étaient responsables et que j'avais pointées? Idem, elles suivirent le mouvement sans broncher et, accent ou pas accent, j'eus par la suite de bonnes notes même en français-latin et histoire, ce fut sans chichis, je passai à 19 et 16 la même semaine (!) Politiquement incorrect, vous dis-je. Quant à la cantine, que je tinsse ma fourchette de la main droite ou gauche n'avait plus la moindre importance. J'eusse craché par terre, personne n'eût relevé.
50 ans après je n'ai rien oublié. Depuis ce temps, je sais qu'il est facile de devenir délinquant et qu'au bout du racisme, il n'y a parfois que les poings comme arguments.. et surtout que l'on peut facilement tuer, n'importe qui le peut même une enfant d'instit bien sous tout rapport. Si on ne me l'avait pas arrachée, l'aurais-je fait, du moins si j'en avais eu la force -et, mystère, je l'avais-? Le fait est que cette tueuse surgie de moi visait avec une sorte de joie sauvage d'animal déchaîné, d'instinct là où un coup peut occire, tête, plexus solaire, nuque -après l'improbable avantage de l'effet de surprise, voulais-je la mettre définitivement "out" avant qu'elle ne se relève? Non, je ne "pensais" plus, c'était mon corps qui pensait à ma place-. Un état d'amok? Sans doute. Le racisme, c'est cela.
*Les agresseurs racistes n'ayant en principe aucune conscience de ce qu'ils ont fait manifestent souvent une parfaite sérénité devant Dieu -ici le Proviseur- et les hommes sans songer à nier, plutôt fiers de leurs actes de bravoure contre de "beaucoup plus forts" même s'il s'agit de femmes et d'enfants [cf les riverains qui ont attaqué des familles roms à Marseille (lien) paradant devant les caméras de télé.] Une observation : que se serait-il passé si Dreyfus avait ri ou renchéri aux insultes benoîtement avouées par ma "victime", ces bonnes blagues qu'musaient t'l'mônd'? Sans doute en effet toutes les conditions eussent-elles alors été réunies pour que je devinsse vraiment délinquante. Voire tueuse. Et cela, c'est ce que subissent les roms depuis toujours (lien).
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Hypothèse: Besançon, et la Franche-comté
carrefour acculturé de deux mondes
carrefour acculturé de deux mondes
La haine qui couvait en adhérence ici contre les basanés, les gens du sud, les métèques et les athées ne provenait-elle pas de l'identité historique incertaine des bisontins rattachés à l'empire espagnol de Charles-Quint, puis à l'empire germanique de son successeur et tardivement à la France.. comme si en cette ville-pierre angulaire de deux empires, deux cultures l'Espagne toute puissante et la Germanie combattaient encore en archétypes? Le désir obsessionnel -et hostile- devant tout nouveau venu [dans une cité qui pourtant ne connut pas de guerres de religion] de le situer dans un camp ou dans un autre, catholique ou protestant, du Sud ou Germain serait-il relié au passé? Accent, patois, la "culture" franc-comtoise affichait obstinément avec fierté des valeurs controuvées -voire démenties par la réalité- dites "germaniques" [travail, fiabilité, courage, sérieux, hygiène, ponctualité, self-contrôle, modération, foi, discrétion, ordre, obéissance, délicatesse, intellectualité, esthétique*] opposées à tous les péchés du sud en clichés [nonchalance ou paresse, défaut de parole, pleutrerie, superficialité, saleté, procrastination et versatilité, comédies, laisser-aller verbal, apostasie ou hérésie, hâblerie, désordre, libertarisme, vulgarité, ignorance brute, inesthétisme] formant ici la superstructure cocasse et mortifère dont je fis les frais. Un indice, dans ce lycée -fait rare- la première langue était celle de Goethe -même pour des médiocres- et quiconque optait pour l'anglais était un out sider mis à l'index.
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* En italique, celles qui d'après mon expérience relativement brève et perso me sont apparues non seulement controuvées mais inversées, la première étant l'hygiène, semblait-il alors assez sommaire, du moins dans le HLM où vous vivions, au lycée et à l'école où ma mère enseignait. Le froid peut l'expliquer -les enfants, selon les mamans qui le soulignaient avec une naïve fierté "prenaient bien leur douche tous les samedi".. de même que c'était ce jour-là que leur linge de corps (culotte, sous-pull) était changé.- C'était en 58. Par la suite, à Marseille, ce n'était pas seulement le linge qui était changé tous les soirs et la douche qui suivait -comme nous pratiquions en Cévennes- mais le plus souvent toute la maison, sols, cuisines quotidiennement lessivés à fond -ce que nous ne faisions pas-. Je ne sentis jamais d'odeur désagréable dans les couloirs des immeubles, ce n'était pas le cas à Besançon.
Autre valeur controuvée, l'esthétique. Reliée à la possible déficience hygiénique? Peut-être, mais l'obésité, déjà, chez les enfants, mal cachée par des vêtements parfois inadéquats, ainsi que l'état dentaire et des cheveux assez médiocre marquaient souvent tristement allure et visage.
Quant à la "discrétion", au self-contrôle et à la "culture", toute l'histoire montre que, en ce cas du moins, ces valeurs étaient comiquement démenties par les accusations elles-mêmes, à la manière de César (Pagnol) qui, lorsque Escartefigues lui reproche ses colères, éclate en une célèbre tirade, furieux, scandalisé par une telle "contre-vérité" (!) "Co-lé-ri-que, MOI?"
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