mardi 3 janvier 2012

LAWRENCE d’Arabie (1888-1935), la déchirure; anglais, arabe, misogyne, homo, violé, militaire, amoureux, irréductible, traître, mégalo mais fuyant la gloire jusqu'à la mort, et écrivain. Un symbole ! Gertrude Bell, une traîtresse trahie..

(Bilingue français-anglais, bilingual french-english)

Lawrence of Arabia (1888-1935) the tear : a double face man, english and arabic, misogynist and libertarian, gay and puritan, military and romantic lover, traitor and loyal, irreducible and devious, megalomaniac and fleeing glory unto death, otherwise raped and writer. A symbol !  
And Gertrude Bell, a betrayed traitor ..

"Les sept piliers de la sagesse"
est dédié à son jeune amant arabe
en ces termes poétiques:
"I loved you, so I drew these tides of men
And wrote my will across the sky in stars
To gain you freedom,
That your eyes might be shining for me
When I came."
"Je t’aimais, ainsi ai-je levé des marées d’hommes
Et écrit ma volonté dans le ciel et les étoiles,
Pour que tes yeux brillent quand je venais."
[Note de moi : ne se prendrait-il pas
un peu pour Alexandre? passons..]

___________________
 
UN PERSONNAGE TOUT EN CONTRASTE

 "Tout ce à quoi tiennent les hommes – l’amour, la camaraderie, l’amitié- est impossible dans l’hétérosexualité. La femme est une machine vouée à l’exercice musculaire, une machine à satisfaire les appétits physiques mais l’homme ne peut assouvir ses aspirations que parmi ses semblables car l’union corporelle est complétée par l’union spirituelle… quelque chose de plus que la simple attirance charnelle." (1ère traduction des "Sept piliers de la sagesse".) Sans commentaires, c'est trop mignon !!!

Né d’une union deux fois adultérine -ce dont il eut honte toute sa vie- entre un père baronnet et une domestique pour qui celui-ci avait quitté sa première épouse, Thomas Edward Lawrence étudie à Oxford et se destine à l'archéologie. Au cours de fouilles en Syrie, il rencontre en 1911 celui qui deviendra son grand amour, Dahoun, 15 ans (photo). Il lui apprend lecture et écriture, Dahoun, l’arabe et en 1913, il l’emmène en Angleterre –ce qui scandalise– ; de retour en Égypte, ils vivront ensemble jusqu’en 1917. Dahoun mourra du typhus, le laissant inconsolable.

Lors de la guerre de 14, il est affecté au service géographique du Caire puis dans les services secrets ; parlant plusieurs dialectes [moins parfaitement qu'il ne l'affirme, de même qu'il s'octroie parfois dans ses écrits un rôle plus important qu'il n'a eu, occultant ses rivaux français comme le général Brémond] s’habillant comme un arabe, ayant noué des relations avec les tribus, il convainc ses amis de lutter contre les turcs [alors alliés des allemands] notamment l’émir Fayçal qu’il aide à réorganiser son armée. Le 6 juillet, 1917, avec Auda Tayi, après une périlleuse traversée du désert, il prend à revers le port d’Akaba, les canons turcs étant dirigés vers la mer, une victoire stratégique inespérée.

Mais en novembre, sa vie bascule : fait prisonnier, torturé et violé par un officier turc et ses hommes, il écrit "mon intégrité personnelle a été irrévocablement perdue." Le viol ayant généré un fort sentiment de culpabilité par la jouissance qu'il en a tiré, sa vie devient un combat. L’éducation reçue de sa mère puritaine rigoriste -malgré sa vie hors norme ! - qui le frappait durement le fonde à honnir le masochisme comme une honte impardonnable.. mais aussi à penser que la douleur efface le péché.

Sykes
Le 1er octobre 1918, à la tête des troupes de l’émir Fayçal, il entre dans Damas avant l’arrivée des troupes britanniques du général Allenby. "Le roi d’Arabie sans couronne" comme on l'appelle alors accompagne l’émir en Angleterre puis à la Conférence de la Paix à Versailles où il s' "aperçoit" qu'il a trahi ses amis arabes. [Il semble pourtant difficile de croire qu'il n'ait rien sur des accords "secrets" Sykes-Picot* passés entre l'Angleterre et la France sur le démembrement de l'Arabie après la victoire] : les alliés se partagent Égypte et la Syrie comme prévu, l’une est placée sous protectorat anglais et l’autre sous protectorat français. Il démissionne alors de son grade de colonel et écrit. "Le plus puissant des motifs qui m’avaient fait agir est un motif personnel que je n’ai pas mentionné dans ce livre mais qui fut présent à chaque heure. Ce motif est mort avant que nous eussions pris Damas." Une jolie histoire romantique et sotte : une chance que le bel éphèbe -un peu trop jeune pour lui, ici on n'est pas très loin de la pédophilie- n'ait pas été allemand et que les goûts de Lawrence l'eussent plutôt poussé vers l'exotisme moyen oriental !


Les accords Sykes-Picot, démembrement de l'empire ottoman!
 Il sait passer pour un traître aux yeux des arabes -ce qu'il est en un sens- et pour se démarquer, refuse les décorations offertes par le Roi d’Angleterre en des termes on ne peut plus clairs qui peut-être finiront par lui coûter la vie : "J’ai fait certaines promesses au roi Fayçal et ces promesses n’ont pas été tenues.. Il n'est pas exclu que nous nous retrouvions des deux côtés opposés lors d'un engagement militaire et il ne serait pas convenable que je combatte avec ces décorations." Acte de bravoure? pose peut-être ordonnée pour se dédouaner aux yeux de ses amis arabes? Il demeure qu'en février 1920, Winston Churchill, Ministre des Colonies, le nomme conseiller pour les affaires arabes. Mais, se sentant à nouveau manipulé, Lawrence démissionne. Le refus des grandes puissances de créer ce "royaume d’Arabie", le sentiment d’avoir trahi la confiance de ses compagnons d'armes, la découverte de son masochisme le fondent à fuir, à se fuir comme pour rechercher la mort écrit-il. Il s’engage sous un pseudo comme simple soldat dans la Royal Air Force en 1922. Exclu car reconnu, en 1923, il choisit un autre nom pour rallier le Royal Tank Corps. En novembre 1923, quelques amis dont Bernard Shaw lui obtiennent une pension.. qu’il refuse ! Il veut être réintégré dans la R.A.F, c'est accepté à condition qu’il ne quitte plus l’Angleterre et cesse tout contact avec des amis importants. C'est mal le connaître, agent secret un jour, agent secret toujours. Il consent jusqu’en février 1935 et le 13 mai, roulant à moto -sa passion quasi suicidaire pour la vitesse est connue- sur une route étroite, il découvre en haut d’une côte deux garçons à bicyclette, les évite, fait une embardée et meurt cinq jours plus tard sans avoir repris connaissance. Cet accident a pu être provoqué par les services secrets pour faire taire à jamais un irréductible instrumentalisé qui en savait trop, s'était révolté -ou s'était retourné*- par sens de l'honneur [ou par amour!] qui avait de puissants amis partout.. et dont la célébrité -qu'il fuyait désespérément après l'avoir recherchée jusqu'à la mégalomanie avec un remarquable talent- pouvait faire basculer le fragile équilibre du Moyen-orient... et qui de plus.. écrivait beaucoup !"  A partir de Michel LARIVIERE   "On vous l'a caché à l'école" (lien.)

Fayçal I, "le tuyau vide"
*C'est le plus probable car il est quasi impossible qu'il ait ignoré ou ne se soit pas douté -et du reste il le dit lui-même à mi mot- de ce qui allait advenir de ses compagnons et alliés après la victoire, connaissant les principes colonialistes de l'Angleterre auxquels du reste il ne s'opposait que très mollement -par exemple il n'était pas favorable, quoiqu'il en ait dit ensuite, au "Royaume uni d'Arabie" voulu par le cheik de La Mecque mais au morcèlement de celle-ci en une multitude d'états qu'il serait plus facile de gouverner par pions interposés, et dans ses projets, établissait des différences de traitement considérables entre chacun en fonction de ses propres affinités avec leurs chefs "historiques" ou suscités -par lui ou d'autres agents secrets anglais comme Gertrude Bell-.. peut-être aussi en fonction de leur soumission présumée : Fayçal par exemple eut ses faveurs -Lawrence contribua avec Bell à lui faire obtenir le royaume de Syrie- bien ou parce que! il le méprisât profondément : "il était pire que faible, vide, ­ juste un grand tuyau dans lequel le vent s'engouffrait" écrit-il de son "ami" [shunté lors que la première édition du livre.]
 
Il n'était donc pas tout à fait le défenseur des arabes autoproclamé selon l'image ciselée qu'il offrait sur son méhari, kuffieh et saroual, peut-être sur ordre de l'Angleterre et qui seule est demeurée de lui dans l'Histoire ; en fait, c'était plutôt le contraire, ce sont les arabes qui ont jeté toutes leurs forces dans la guerre et défendus les alliés plus que l'inverse. Lui s'était adapté à la féodalité de l'Arabie et s'en était servi pour l'Angleterre... ou encore, ce romantique amoureux aurait changé de position au fur et à mesure qu'il vivait avec ses amis bédouins, appréciant leur culture, la liberté -notamment sexuelle- dont il jouissait, que l'Angleterre était loin de lui permettre, au point de se retourner ensuite contre les siens. Il en va autrement de Gertrude Bell son "homologue féminin" (1868-1926) moins connue mais dont le rôle politique est plus important, une intellectuelle à la tête plus froide, plus logique..



Comme toute lady soucieuse de son rang, elle voyageait chapeautée et corsetée avec une sorte de cour, parfois cependant dans des conditions effroyables qu'elle accepta stoïquement.. Mélange d'arrogance et de réelle générosité, parfaitement conforme aux règles de son milieu, elle refusera d'épouser l'homme qu'elle aimait parce qu'il n'était pas solvable, mais par ailleurs d'un courage hors norme, hautement consciente de sa valeur -elle fut la première femme docteur d'université- mais violemment hostile au droit de vote des femmes, trop "incultes" disait-elle, le personnage est admirable et pathétique à la fois. Comme Lawrence, elle chercha au Moyen Orient la liberté dont elle ne bénéficiait pas en Angleterre -mais chez elle il ne s'agissait pas de sexe-. D'une immense culture -ceci doit sans doute être revu à la baisse étant donné son rang social- elle se montra sincèrement désireuse de préserver le patrimoine inégalé découvert lors de ses fouilles et imposera que les objets demeurent sur place, recueillis dans un musée. Recrutée comme agent secret, son intelligence, son culot et son esprit d'initiative enflammèrent les révoltes arabes; son rôle fut plus politique que celui de Lawrence -elle ne combattit jamais directement- mais comme lui, elle criera à la trahison en "apprenant" la teneur des accords Sykes-Picot où dès 1916, France, Angleterre et Russie se partagent le Moyen orient avant même de l'avoir arraché aux turcs, une évidente hypocrisie. Mais pendant que celui-ci, sans doute plus sincère, plongeait dans une lourde dépression, celle-là, surnommée "la reine du désert" parvint en 17 à installer Ibn Saud sur le trône d'Irak. Peu après, le souverain, soucieux de se forger une posture royale conforme à son nouveau rang blackboulera sans états d'âme celle qui l'avait intronisé : femme, anglaise, gaour, une encombrante cariatide pour un prince arabe musulman.. et, désavouée par tous y compris par les siens, elle se suicidera à 48 ans -probablement- par surdose de barbituriques, supportant mal qu'elle qui avait trahi, fût-ce pour une juste cause, le fût à son tour et des deux côtés -ce qui est pourtant logique- : l'antiféminisme vous rattrape toujours, même lorsque l'on s'en croit à l'abri par la fortune, l'intelligence et la réussite inégalée d'une carrière exceptionnelle.


--------------------------------------
Lawrence of Arabie, 
an english secret agent in 1914


Born of an adulterer union, what whose he was ashamed all his life, Lawrence studied archaeology at Oxford, then went in middle east for excavations, in middle east where he met Daoun, a young arabic man who became his great love. He learnt arabic and wrote for him the dedication of his book, “the seven pillars of wisdom”. During the war of 14, he was engaged by the english army as secret agent, to lift the arabs against their occupants, the turks, allies of germans. Thus, dressed as an arab, arabic speaking, and still on his dromedary as shows the romantic image we still have of him, he fought victoriously with arabs against turkish. But, consciously or not, he betrayed his arabic companions because England, France and Russia had planned, after the victory, to share the Middle East between them (cf the secret deal, said Syke-Picot between these three countries.) An tragedy into one other tragedy : during the war, made prisoner by the Turkish, he was tortured and raped by several soldiers : this drama changed all his life because, then, he discovered his masochism ; his puritan education led him to feel ashamed, guilty, torn. Therefore he seemed to seek the death as he said (as his passion for the speed maybe reveals)

Deceived, above all desperate by Daoun's dead, he returned in England and found the dead in a strange accident, maybe a murder. He knew too much things and had no intend to be silent.

Gertrude Bell,
another one

Born to an affluent industrial dynasty in England, young Gertrude dazzled with her range of knowledge, her air of certitude, and her daring. She was the first woman to qualify for a coveted First Class degree in modern history at Oxford. During a subsequent "Grand Tour", she scoured the Ottoman Near East, mastering its ways and languages. As a pioneering field archaeologist, she learned to live like and with the bedouin. She wanted the priceless artifacts discovered during her archaeological excavations be kept in the country where they were found, in museums and refused these to be stolen -sent in England- as it was the custom ! Recruited by British intelligence during the First World War, she helped ignite the arab revolt against the turks and then worked with Lawrence to enthrone in Iraq the hashemite Fayçal I. Disheartened by an ingrate monarch, her counsel no longer sought by her superiors, Bell died of an overdose of sleeping pills just short of her fifty-eighth birthday. Maybe a suicide.


lundi 2 janvier 2012

Suicides toujours -ou presque- annoncés

2876 vues | liens
A savoir : la plupart des suicides d'adolescents, d'adultes ou de vieillards -la majorité sont le fait de gens âgés- sont annoncés -parfois très clairement-. L'adage "qui en parle ne fait pas" est totalement inexact. Par parenthèse, il en va de même des meurtres (!) : presque toutes les femmes victimes de leur compagnon -ou d'autres- ont été menacées de mort au préalable et souvent plusieurs fois, avec détails. Lors des plaintes, les policiers, les gendarmes -surtout autrefois- évaluaient rarement le risque réel de "passage à l'acte", désabusés, désinvoltes... jusqu'au drame "imprévisible" (lien).

C'est pourquoi il faut être à l'écoute, et pas seulement des adolescents. Ne jamais négliger une réflexion qui peut passer pour excessive, ironique, au second degré, une menace, une attitude inappropriée... Il est navrant ensuite d'entendre "on ne savait pas" ... "on ne pouvait pas se douter que"... "il semblait si incapable de faire ça..." Il n'y a pas de profil visible de meurtrier, de suicidaire ou du moins ne le perçoit-on qu'après, lorsque l'acte est commis. Trop tard. Le seul indice fiable est sa parole -et il n'en est pas avare-... que l'on ne prend pas en compte.

On ne savait pas ? Si, on savait, oui, on devait se douter, et oui, par facilité, par ignorance, par indifférence, on a laissé filer. Il est plus facile de douter voire même d'incriminer un individu qu'un système. L'hypocrisie est quelque fois flagrante, à l'exemple d'une ado qui avait prévenu plusieurs fois que si on la laissait à l'école normale -en le cas, d'Aix en provence- où, plus jeune que les autres, isolée, elle était quotidiennement harcelée par une bande et par des profs, elle ne "tiendrait pas" et se tuerait ; "crise d'adolescence banale, ça lui passerait", moqueries même -on l'avait surnommée le saule pleureur et chaque lundi, une des caïds de la meute s'interrogeait à voix haute en riant : "elle ne s'est pas suicidée ce week end ? Quel dommage!"-
Elle l'a fait. Et avec une superbe unanimité, camarades, personnel, enseignants et même parents -certes effondrés- ont affirmé ne s'être doutés de rien, chacun renvoyant la faute à l'autre. Elle a survécu, non indemne. TOUS  ensuite se sont renvoyés la balle hystériquement, lui demandant sans vergogne dès son réveil du coma (!) -sourde provisoirement-, embusqués tels une meute de chacals, de les dédouaner -donc d'incriminer les autres... et par écrit si possible-. Cette ado, c'était moi. C'est ainsi que je suis entrée dans la vie d'adulte. Sans illusions. HL